lundi 27 avril 2015

                                          Retour au "2/2 Côte-d'or" avant de partir.


                                       Mes dernières années et en tant qu'instructeur au 2/2 furent formidables. Nous avons eu beaucoup de pilotes étrangers à former au cours des années 71 et 72 : des colombiens très sympathiques, des argentins, brésiliens, vénézuéliens, puis des libyens (moins intéressants !) , mais nous étions obligés de nous en occuper puisque la France avait vendu des Mirages à la Libye ! Mais ils étaient tellement mauvais qu'il a fallu peu de temps avant de voir leurs Mirages au tapis !! Ensuite nous avons eu les belges, super sympa bien sûr, qui pour leur pot de départ avaient monté une énorme montagne de boîtes de bières dans un hangar !!
                  Il y a eu aussi un triste moment, c'est le jour où un commandant d'escadrille, le Cne Rose se crashera sur le champs de tir de Suippes (dans la Marne) au cours d'une passe de tir air/sol. Il était sans doute passé trop bas au cours d'une passe, et à la suite d'un ricochet un obus de 30mm vint sectionner une servo-commande d'aileron, l'avion partit en tonneaux et s'écrasa un peu plus loin après le champs de tir. Ejection impossible !!
                   Heureusement il y avait aussi beaucoup de moments de joie. A chaque fin de stage il y avait un arrosage et une soiré de fête. Une des plus réussie fut celle organisée par les colombiens. Leurs épouses étaient venues par avion, et nous avons dansé au rythme des musiques sud américaines. Quant aux argentins, ils avaient affrété un cargo "Hercules C 130" qui  avait apporté tout ce qu'il fallait pour organiser un " assado " : une soirée barbecue à la façon argentine. Avec les brésiliens ce fut bien sûr une soirée samba. Comme nous habitions un pavillon à la campagne pas loin de la base, nous organisions aussi de petites soirées à la maison.
                    Malheureusement un jour nous recevrons une mauvaise nouvelle : Le Capitaine Diaz, un de mes élèves s'était tué en service aérien commandé, en atterrissant sur la piste de la base de Bogota. Un pneu de son Mirage avait éclaté et il était sorti de la piste. La roulette de nez s'était brisée en passant dans une tranchée de travaux. L'avion s'était cassé en deux, et le Cne Diaz n'a pas survécu à l'accident. Peu de temps avant cette mauvaise nouvelle, le Cne Diaz m'avait envoyé une gentille carte postale.
                     En septembre 1973, le 25 de ce mois-là se produira un événement qui clôturera ma carrière de pilote de chasse. Nous étions en mission d'entrainement au combat  avec deux Mirages IIIB dans la région de Bourges. Nous avions, mon commandant d'escadron et moi, chacun notre élève en place avant, et qui avait les commandes. Nous étions en train de nous " enrouler " normalement quand tout d'un coup mon avion partit brutalement en vrille. Ce n'était pas la première fois que cela m'arrivait. Je reprit les commandes et j'ai appliqué la procédure de sortie de vrille, mais cela ne s'est pas passé comme dans les vrilles que je connaissais. Nous étions en fait en vrille à plat, ce qui est très rare sur le Mirage. Même les pilotes d'essais de chez Dassault n'avaient jamais pu en provoquer une. Bien sûr dans ces conditions le compresseur avait décroché, donc plus d'air pour la turbine, donc extinction !! Comme nous étions assez haut (26.000 pieds), environs 8000 mètres j'avais jugé que j'avais encore un moment pour essayer de sortir de là. Mais malgré mes efforts rien ne marchait, j'ai donc décidé l'éjection. Comble de malchance, comme j'étais en place arrière je devais m'éjecter le premier. Cela ne m'enchantait pas du tout mais c'était les consignes. En plus en vrille à plat il n'y avait pas de vent relatif, ce qui fait qu'au moment de l'éjection la verrière s'était simplement soulevée et quand je suis parti je suis passé à travers, elle s'est cassée, et j'en ai gardé un morceau comme souvenir. Puis ce fut une chute libre à 180 km/h assis sur le siège suspendu au bout de son petit parachute stabilisateur,jusqu'au passage des dix mille pieds (3000 m), où s'effectue la séquence automatique de séparation entre le siège et le pilote. Au choc à l'ouverture j'avais ressenti une douleur dans le dos, et je me suis retrouvé au-dessous de mon parachute. Mon premier réflexe fut de balayer le ciel pour trouver mon élève, je l'ai vu un peu au-dessus de moi, tout allait mieux !! Puis j'ai cherché l'avion, et je l'ai trouvé en dessous de moi, et il était toujours en vrille à plat et ne descendait pas très vite. Comme il faisait beau je voyais bien le sol et un petit groupe de maisons. A ce moment là une peur bleue m'avait serré le ventre, Est-ce qu'il va aller s'écraser sur une maison ? Chance énorme, il tombera dans un pré, à une centaine de mètres de la ferme ,au lieu-dit, ironie du sort, il s'appelait "le bout du monde" Au moment de l'impact je vis une explosion avec une flamme orange, c'était le carburant et les obus d'exercices qui éclataient. Il ne restait plus qu' à attendre l'atterrissage qui eut lieu pour moi dans une haie de troènes et pour mon stagiaire dans un champs de mais bien sec et bien dur, ce qui fait qu'il se fera mal encore à la colonne vertébrale qui en avait déjà prit un coup au moment de l'éjection. Les gendarmes ne mettront pas longtemps pour nous trouver. Puis une ambulance nous transportera jusqu'à la base d'Avord, près de Bourges. Je rentrerai à Dijon en Dassault 312 piloté par mon ami Marcel Charin. Quant à mon élève il restera à l'infirmerie de la base d'avord, il ne pouvait plus bouger. J'avais eu la présence d'esprit de rester toujours debout, ce qui m'avait permis de rentrer à la maison, où le soir même une bonne partie de l'escadron était venu faire un fête ! Le lendemain matin par contre j'étais resté bloqué au lit.
                         A cause de mes vertèbres fracturées j'aurai un mois d'arrêt de vol. Ce n'était pas grave, car de toutes les façons je devais partir à Toulouse début novembre pour un stage à l'Ecole Nationale de l'Aviation Civile. C'était terminé pour moi l'aviation militaire. Je devais maintenant préparer ma reconversion pour l'aviation civile .
                           C'était terminé aussi en ce qui concerne le sport d'équipe, comme le championnat de rugby militaire, et le championnat de volley-ball, où nous avions été battu en finale à Paris. Fini aussi pour le Pentathlon Aéronautique Militaire ( P.A.M.), que j'avais gagné avec l'équipe de de la 2ème escadre, en 1965. Terminé aussi pour les stages de ski de 15 jours à Val d'Isère où à Méribel. Toute les bonnes choses ont une fin, à ce qu'il parait. Mais j'aurai d'autres moments agréables à vivre. Des mauvais aussi, malheureusement.
 J'achève mes 15 ans 1/2 de carrière dans l'armée de l'air où je me suis bien éclaté. Une autre vie va commencer !!!!

Un Mirage IIIB après
une éjection







dimanche 26 avril 2015

         Vie d'un pilote dans un "Groupe de Chasse" prestigieux comme le Groupe "ALSACE".


                                             





                                   Au mois d'août 70, je commencerai l'entrainement pour passer le brevet de "chef de patrouille". Cela devient plus sérieux car il faut apprendre à commander pour le combat, six avions et non plus deux, aussi bien pour des missions de combat en altitude que pour des attaques au sol sur des objectifs divers.
                Un moment triste et difficile pendant mon stage fut la disparition du N° 6 de ma patrouille

au cours d'une mission d'assaut à basse altitude. Ce jour là la météo n'était pas fameuse et le plafond assez bas dans la trouée de Belfort où nous avions un virage à 90° à effectuer avant d'arriver sur l'objectif. A l'issue du virage je fis un check carburant pour toute la patrouille, mais le N° 6 ne répondit pas. J'avais demandé au N° 5 de le chercher, mais il ne le retrouvera jamais. Nous apprendrons en rentrant à l'escadron que le sergent Jouan dit "la pomme" s'était crashé pendant ce fameux virage. Comme nous étions encore un peu lourd en carburant, les enquêteurs ont décrété qu'il aurait décroché en serrant un peu trop fort au cours du virage tout en étant trop bas. Ce sera pour moi la quatrième cérémonie funèbre sur la base 102 "Guynemer".
                 Au cours du mois de mai 71, nous passerons des moments sensationnels mais aussi très durs, car dans le cadre d'échanges escadrons nous recevrons une escadrille de pilotes écossais qui volaient sur "Lightning P1", un vilain monstre équipé de deux réacteurs montés l'un au-dessus de  l'autre. Ce sera la fête quasiment pendant une semaine. Ce qui faisait que la reprise du travail normal les matins était difficile. A cette occasion les pilotes écossais nous feront découvrir un cocktail redoutable, le "Mig-21", une mixture à base de liqueur du Prince Edouard avec une bonne dose de scotch et de la bière brune. ce n'était pas étonnant que les matins furent difficiles à négocier.


¨La course de 4 Cv





 Le podium



                 Comme dans n'importe quel escadron de chasse il y avait aussi dans le nôtre une tradition à respecter : c'était la remise de l'insigne du "Groupe" quand un pilote était déclaré opérationnel. L'ensemble des pilotes concoctait au hasard un affreux mélange de boissons différentes dans une énorme botte env erre d'au moins un litre dans laquelle le commandant plongeait l'insigne, et le récipiendaire devait tout boire pour récupérer son trophée. C'était l'ivresse garantie à moins de prendre certaines précautions avant de boire !!!
                 Les 18 et 19 novembre 1971, je partirai à Colmar avec six avions et mon commandant d'escadron pour passer les deux épreuves pour devenir chef de patrouille. L'une de ces épreuves était une interception à haute altitude contre une autre patrouille de six avions d'une autre  escadre, et la deuxième était une attaque d'objectif au sol. Le brevet de CP étant réussi nous irons dîner dans un bon restaurant de la région, et nous rentrerons à dijon le lendemain.
                 Cerise sur le gâteau, deux jours plus tard, le "Groupe Alsace" au complet partira en campagne de tir air/air et air/sol à Solenzara, en Corse. Dommage pour nous car le mois de novembre n'est pas génial pour profiter de la mer après le boulot ! Nous rentrerons le 9 décembre à la base, et après une semaine de congé, nous aurons des pilotes lybiens à former sur Mirage III E.
                Nous passerons un moment amusant le jour où une course de voitures  se déroulait sur la base. Comme nous étions plusieurs pilotes à posséder une petite 4CV Renault, l'un d'entre nous, avec l'accord des organisateurs, eu l'idée de faire pendant un entre'acte, une course de 4CV avec un départ style 24 H du mans. Equipés de notre combinaison, le casque et le masque à oxygène, nous avon fait un tabac.
                Toute bonnes choses ont une fin parait-il. Cela se confirma un jour de juin lorsque le commandant me convoqua dans son bureau pour m'annoncer que j'allais être muté à l'école de chasse à Tours. Sans doute y avait-il un besoin de moniteurs là-bas ! Je me suis défendu en lui expliquant que c'était dommage de m'avoir amené jusqu'au brevet de chef de patrouille,et de m'envoyer comme moniteur à l'école de chasse. Avec l'expérience que j'avais sur Mirage, c'était du gâchis, et quitte à faire de l'instruction, ce serait peut-être plus rentable de me renvoyer au 2/2" Côte-d'or" où je connaissais très bien le travail !!
                 Le "Patron" a sûrement bien défendu ma cause auprès de la hiérarchie car je suis revenu dans mon ancien escadron, mais dans une autre escadrille, celle de la mouette. Ouf ! le couperet était passé bien près !          

vendredi 24 avril 2015

                            Renaissance d'un ancien escadron : le "2/2 CÔTE D'OR"


                       Au mois de septembre 1967, un escadron supplémentaire va s'installer sur la BA 102 de Dijon, au sein de la 2ème escadre. Le "2/2 Côte-d'or" va sortir des oubliettes. Il avait été mis en sommeil pendant plusieurs années. L'Etat-Major avait jugé nécessaire de créer un centre de formation pour l'instruction des jeunes pilotes affectés sur Mirage III. Il y avait aussi des pilotes qui venaient de différentes bases et qui changeaient d'avions. Les Mirages III étant mis en place au fur et à mesure de leurs sortis d'usine, il y avait de plus de pilotes à transformer. Le 4 septembre je prends ma fonction d'instructeur au sein de l'escadrille de "La Chimère", et comme le monde étant petit, j'aurai comme stagiaires plusieurs anciens élèves que j'avais formés sur T6 à Cognac et à Marrakech.
            C'est l'escadron 2/2 Côte-d'or, avec deux escadrilles, la SPA 65 "Chimère", et la SPA 62 " Mouette", qui sera donc chargé de cette mission de formation des pilotes. Ce sera presque l'équivalent du centre "Top Gun" qui fonctionne depuis quelques temps déjà en Californie. Le travail était tel que la troisième escadrille SPA 94 "La mort qui fauche",datant de 14-18 fut remise également en service.
         





              L'ambiance dans cet escadron était extraordinaire. Les promotions de stagiaires se succédaient assez rapidement, et inévitablement, et il y aura souvent des "arrosages" et de joyeuses soirées qui se terminaient à l'aube, et nous assistions à un superbe spectacle : le lever du soleil sur les Mirages impeccablement alignés sur le parking.
              Le 2/2 aura aussi pour mission le renouvellement de la "carte blanche" et de la "carte verte". C'est-à-dire un examen de vol sans visibilité. Le candidat était assis en place arrière sous une capote, et devait exécuter différents exercices. Avec mes amis "Titi et Marcel" nous partions pour quelques jours avec deux Mirages III B, vers les différentes bases de la région. Nous étions bien considérés, et nous avions même une voiture de fonction à notre disposition !!
             Même pour le lâcher en vol de nuit, les jeunes pilotes devaient revenir nous voir quelques jours. Il fallait d'abord les lâcher de nuit sur le Fouga-Magister avant le lâcher de nuit sur le Mirage.
En fait je n'avais que quelques heures de vol sur ce petit bimoteurs quand la hiérarchie m'avait désigné comme instructeur  sur cette machine, après une histoire pas banale. Un jour mon ami "Feufeu" décide d'aller faire une navigation et m'avait demandé si je voulais aller avec lui. Au retour le secrétaire de la "section liaison" m'inscrivit sur son tableau comme si j'avais volé tout seul. J'étais donc déclaré lâché sur le CM170 fouga sans avoir jamais volé avec un instructeur !!!
            L'histoire continue, car un jour où je trouvais que je n'étais pas programmé pour aucun vol sur Mirage, je me suis fâché avec le Cdt d'escadrille et j'ai décidé d'aller faire un vol en solo sur le Fouga.
Je suis donc allé à la section vols de liaisons avec la check-list du Fouga, je me suis installé, j'ai démarré les deux réacteurs en suivant la check-list, et je suis parti faire une balade dans la région. Un peu plus tard le Cdt d'escadrille ayant constaté que j'étais lâché sur le Fouga, a sauté sur l'occasion pour me bombarder instruteur sur cet avion !! Et comme je volais sur le "T-Bird T33",je me suis retrouvé instructeur sur cette autre machine. En tout cas cela me faisait voler beaucoup, ce qui n'était pas pour me déplaire.
             Le vol le plus agréable pour nous les instructeurs, c'était celui qui consistait à accompagner un stagiaire pour son vol de lâché sur le Mirage IIIC. Il fallait rester en formation pas trop serré à-coté de lui, le suivre en vol pour de différentes manoeuvres, et l'accompagner à l'atterrissage. Une fois qu'il était posé, il fallait que nous remettions les gaz et faire un tour de piste pour nous poser aussi.
              Cela roula ainsi jusqu'au mois de février 1970 où j'ai été muté au "Groupe de Chasse III/2 Alsace" de l'autre côté du parking, pour préparer et passer le brevet de chef de patrouille, ce qui me permettra de commander un dispositif de six avions en opération. Je vais voler maintenant sur Mirage III E, dernière version du Mirage, avec un meilleur équipement électronique, un radar pour interception tout temps, mais fait nouveau, le radar est aussi conçu pour la navigation basse altitude.
               Je disposerai d'une dizaine de jours pour étudier les manuels, et le 10 février j'effectuerai mon premier vol avec une accélération jusqu'à mach 1,6. Les missions  étaient plus intéressantes qu'au 2/2,car je me retrouvais dans un escadron opérationnel. Le commandant d'escadron était très sympathique et je le connaissais très bien puisque c'est moi qui l'avait formé sur Mirage quelques mois auparavant. C'est au sein de ce "Groupe de Chasse" que nous passerons avec mon épouse les plus belles fêtes nocturnes qui se termineront de temps en temps à la maison, avec les champs de colza comme premier plan à l'aube et la base 102 en toile de fond  !!


lundi 13 avril 2015

                                             Les Chevaliers du ciel font du cinéma.


                            En septembre 1966 ils seront sur la base aérienne "Georges Guynemer" pendant un ou deux mois pour tourner un feuilleton  télévisé : "Les Chevaliers du ciel". Nous ferons notre travail habituel, et nous accomplirons aussi quelques vols pour certaines séquences du film. J'emmènerai en place arrière du T33 un cadreur qui doit filmer des Mirages en passe de tir sur nous. Plus tard ce sera l'inverse, ce sera à mon tour de faire des passages sur le T33 avec un Mirage IIIC. Toujours pour les besoins du film, j'aurai l'occasion de faire deux ou trois vols en " Habit haute altitude", avec un Mirage III C équipé de la fusée. Et à la fin du tournage j'aurai le plaisir d'avoir en place arrière d'un Mirage III B, Mr Christian Marin dit " Laverdure". Il n'était pas très fier, mais il l'a quand même fait.

En avril 67, je commencerai l'entrainement pour passer mon brevet de "sous-chef de patrouille". Tout en suivant cette phase de mon cursus, je continuerai à faire les missions habituelles d'un pilote de chasse, c'est-à dire, les interceptions, les tirs air/sol sur les différents champs de tir de France, les exercices d'appuis feux en collaboration avec l'Armée de Terre, etc... et j'obtiendrai mon brevet de sous-chef de patrouille en juillet 67. Peu de temps après je vais être muté vers le nouvel escadron, le 2/2 Côte- d'or qui vient d'être ouvert pour la formation de nouveaux pilotes. Mais avant de partir j'aurai la peine d'apprendre que mon ami Jeannot Vassal (24 ans) venait de se tuer aux commandes de son Mirage au cours d'une mission de tir air/sol sur le champs de tir de Diane à-côté de Solenzara. C'était le deuxième à mourir en service aérien commandé après le jeune Rousseing (24 ans), qui lui s'était crashé de nuit en finale radar à Dijon. Les cigognes perdaient tristement des plumes


                                                   Pilote de chasse en escadrille


                     Le 19 mars 66, L'escadron des "Cigognes" au complet part en campagne de tir à Cazaux, près d'Arcachon. Ce sera mes débuts en tir air/air. Pour le tir air/sol, ce sont de grandes toiles dressées sur sur les dunes de sable du Trencat, au bord de la mer, juste au sud de la célèbre dune du Pilat. Pour le tir air/air, ce sera une cible tractée par un F-100 Super- Sabre,au bout d'un câble de 500m. La cible "Soulé" du nom de son fabricant, est constituée de trois panneaux de polystyrène enveloppés d'une mince couche d'aluminium, assemblés autour d'un poteau de béton de 6m de long, et d'un diamètre de 20 Cm. Après une séance de tir la cible sera larguée sur la base à l'aide d'un parachute. Les obus de chaque avion étant de couleurs différentes, il suffira d'observer les impactes sur la cible pour attribuer un score à chaque tireur. Nous avions aussi des missiles air/sol à tirer sur une cible spéciale au sol, des AS/20 Matra.
                  Le 20 avril, après un mois de campagne de tir, l'escadron rentrera à Dijon. Dommage car l'ambiance au cours de ce séjour est très sympathique. Cependant un mois sans la famille c'est un peu long, aussi nous sommes contents de rentrer à la maison.

Cible "Soulé" tractée par un F-100
Cible de retour après une séance de tir.
Au milieu : engin air/sol AS/20 Matra.
Cigognes de la SPA 3 (Guynemer)

lundi 6 avril 2015

                               Travail d'un pilote de chasse dans un escadron de chasse tout temps.


                       Notre mission principale consistait à effectuer des interceptions par n'importe quel temps. Pour ce faire nous faisions beaucoup de vols d'entraînement entre nous, ou avec des avions des autres bases de France. Il y avait aussi le hangar d'alerte situé à proximité du bout de la piste, où il y avait en permanence un Mirage et une équipe technique pour permettre un décollage en moins de cinq minutes. En temps de paix il servait à intercepter et à reconnaître des avions non identifiés.
                 Une autre phase de l'entraînement, celle que tout le monde préférait était les différents tirs au sol et le tir air/air. Tirs aux canons de 30mm, roquettes de 68mm, et bombes d'exercices de 50 Kg, sur les différents champs de tirs de France. Pour le tir air/air, cela se passait soit à Cazaux, près d'Arcachon, ou mieux à Solenzara en Corse, où nous tirions sur des cibles tractées par un avion comme le F-100, au bout d'un câble de 500m. Un autre entraînement que tout le monde appréciait consistait à exécuter des assauts à basse altitude sur des cibles terrestres, comme les barrages ou les gares et les tunnels, afin de préparer les pilotes au brevet de chef de patrouille.
Porte avion US
En alerte à 5'
                 En janvier 1966, le "1/2 Cigognes" participa à des exercices de l'OTAN en Méditerranée, avec les forces aériennes américaines. J'ai eu l'occasion de me mesurer avec les "F4- Phantom" et les "Sky-Hawks" de la Navy. Nos Mirages ne paraissaient pas ridicules !!Nous étions déployés sur la base d'Orange, siège de la 5ème escadre de chasse, qui était alors sur Super Mystère-B2. J'ai eu l'occasion d'approcher et de filmer d'assez près un porte-avion américain. Inutile de dire qu'en cas de conflit, il m'aurait été impossible de le faire, j'aurais été descendu 50 Km avant de le voir !!!
Cible "Soulé"
 pour le tir Air/air

Bombardier anglais
F-104 allemand
 J'aurai quand même quelques photos pour mon album.

mardi 3 février 2015

La Défense aérienne du territoire (DAT)

     DEFENSE AERIENNE DU TERRITOIRE                                                     



 Le North American Sabre  F86K

 

                                        C'est le travail des chasseurs tous temps.  Les Supermystères-B2 (SMB-2), les F86-K équipés de radar, sans oublier les Vautours II, IIN, chasseurs bombardiers polyvalents de jours et de nuits, mais qui vont bientôt être remplacés par les Mirages IIIC, et un peu plus tard par les Mirages III E, Mi 2000 etc..... Et plus tard encore par les Rafales. En 1965 nous ne disposions que de SMB-2, (Cambrai-Creil- Orange) D'une escadre de F86-K (Colmar). Nous avions encore deux escadres de reconnaissances, mais elles disparaîtront aussi. Il ne restera que les Mirages III RD de Starsbourg pour faire de la "reco". Les F86-K de Colmar seront remplacés par des Mirages III et les mystères IV de Dijon par des Mirages IIIC. l'échiquier est en place il ne reste plus qu'à jouer !!
                     Dans les premiers jours du mois de mai 1965, je quitte Metz et la 9ème escadre pour prendre la route de Dijon avec ma petite 4 cv qui survit toujours.



                                                       



      Le SuperMystère B-2                         





 Le Vautour II ( SNCASO)                                                                      
                                            Un peu avant d'entrer dans la ville je m'arrête devant un petit bosquet d'arbres pour changer de tenue et enfiler la tenue d'été kaki. Je dois me présenter au Commandant d'Escadre. Comme pour tous ceux qui sont passés par là avant moi, il y a un moment de stress. Il ne faut pas oublier qu'il y a peu de temps cette escadre abritait la "Patrouille de France" avec ses Mystères IV. On nous parlait de boutons de manchettes aux chemises des pilotes, et de doublure verte pour les blousons, le vert étant la couleur de l'aviation de chasse. Tout cela n'était pas tout à fait vrai, heureusement !
              
                                Le biplace Mirage III B
                     L'entretien avec le chef d'escadre se passera bien, et cerise sur le gâteau il me dira d'aller voir le commandant de l'escadron 1/2  "Cigognes" pour ma prochaine affectation. Le capitaine "François" est un peu genre "boutons de manchettes" et doublure verte. Dans l'ensemble tout l'escadron me paraissait cul pincé ou un peu style 16ème. Beaucoup d'officiers étaient de la haute, Cne de Seize, Cne Fille- Lambie, et d'autres, il y avait seulement deux vieux sous-officiers, un dans chaque escadrille, l'A/C Bévalot et l'A/C Monniez, et un jeune sergent très sympa Jeannot Vassal. J'étais envoyé dans l'escadrille "SPA 103", celle de Fonk, l'as de la guerre de 14.
                 Je ferai mon premier vol sur Mirage III B ,le 18 mai. Le Cdt d'escadre est installé en place avant, et au cours du vol il me demandera de prendre les commandes, et de faire les manoeuvres qui me feraient plaisir. j'accepte bien volontiers !! J'effectuerai quelques figures de voltige, et je serai subjugué par les capacités de manoeuvre et par la puissance disponible, bref: c'est une Ferrari pas une 4Cv !!! Avec trois vols avec des instructeurs, et trois séances de tours de piste, on me dit que c'est OK, le prochain vol sera sur un Mirage III C .



                                                                          Mirage III C


                     Le 11 juin 1965 je ferai mon premier vol sur le fameux monoplace Mirage III C, je vais avoir 26 ans. Jamais je n'aurais pensé en arriver là un jour. Le but que je m'étais fixé quand j'étais un gamin de 10 ans est enfin atteint, je pilote le fleuron de l'aviation de chasse française. Quel bonheur !!
                     Le 14 juin au cours vol n° 4 j'atteins la vitesse de Mach 1,4. Les vols suivants ce sera Mach 1,6 puis Mach 1,8, et enfin "Mach 2". Incroyable! Je vole à plus de 2400 Km/h.
                     Dès la fin de l'année scolaire, mon épouse me rejoindra et nous disposerons d'un F3 dans une HLM de la banlieue nord de Dijon. Nous y habiterons pendant cinq ans. Pas de téléphone, pas de télévision. Nous n'avions pas les moyens de nous offrir ces objets de confort moderne. Nous aurons notre premier poste de télé en 73, c'était un petit poste en noir et blanc,cadeau de maman pour que Nathalie puisse voir la télévision le soir. Nous quitterons cet appartement en 70 pour aménager dans un joli pavillon dans un petit village au sud de Dijon. Le loyer passera du simple au double, et comme notre situation s'améliorait doucement, nous aurons notre téléphone. Nous habiterons ce pavillon jusqu'en 1975, quand je changerai de métier !!!
                      Dans chacun  des deux escadrons, le "1/2 Cigognes" et le "Groupe Alsace", il y avait une douzaine de monoplaces Mirages III C, et deux Mirage III B biplaces. Sur la base il y avait aussi une escadrille de liaison, avec un T33, un Fouga magister, un Dassault 312, et un Broussard. Peu à peu je volerai sur chacun de ces avions, et je serai instructeur sur le T 33 et le Fouga, pour entraîner les nouveaux pilotes. En attendant il me faudra suivre une progression pour devenir pilote opérationnel sur le Mirage III. Ce qui sera fait en septembre 65.




De haut en bas: le T 33 ( dit le T bird). Le Fouga magister, le Dassault 312 et le Broussard.




Charly, un de mes anciens élèves et son F-100 Super Sabre sur la base de Lahr en Allemagne.

mercredi 28 janvier 2015

ESCADRE DE CHASSE DANS L'OTAN

9 ème Escadre de chasse

Base aérienne de Metz.
Escadron 1/9 " Limousin"

                             
                                      


                                 Au début du mois d'avril 64 je laisse derrière moi l'école de chasse et les bons souvenirs. Ma courageuse petite 4 CV ne me lâchera pas sur cette longue route entre Tours et Metz.
                Le Commandant de l'escadre m'accueille bien normalement ou militairement si on veut. Il m'annonce que je suis affecté à l'escadron 1/9 Limousin. Les bâtiments administratifs de la base sont en construction traditionnelle. L'escadron de chasse se présente comme une sorte de préfabriqué type américain, peint en vert militaire. Les personnes qui ont séjourné dans l'est de la France à cette époque où il y avait plusieurs bases canadiennes et américaines sur notre territoire connaissent bien ce genre de baraquement. Le 2/9 est installé de l'autre côté de la piste. C'est tout juste si on le voit de chez nous!
               Je serai très bien reçu dans cet escadron, ça sent le "chasseur" la-dedans, rien à voir avec l'accueil dans les écoles de pilotage, et je passerai de forts bons moments dans cet escadron. Je ferai d'abord deux vols sur le T33 avec le Cdt d'escadrille, qui me montrera un peu la région. Il faut savoir que dans chaque escadre de chasse il y a toujours un T-Bird qui traîne pour effectuer des liaisons et pour entraîner les pilotes, mais aussi pour aller chercher du whisky là où il est moins cher!! Puis on me laissera tranquille pendant une dizaine de jours pour que je puisse étudier le manuel de vol du F84-F. Je dois passer un test écrit sans aucune faute, sinon je repasserai l'examen.
                Je ferai mon premier vol sur cet énorme chasseur bombardier américain le 30 avril (jour de la St-Robert), chouette cadeau de fête. Comme pour le Mystère IV, il n'y avait pas de version biplace,il fallait y aller tout seul, après un bon briefing du Chef Pilote. Quand je parle d'un énorme avion américain, il faut imaginer une cabine de voiture américaine à deux places, quand on étend les bras on ne touche pas le bord de la cabine tellement c'est large. Dans les avions français si on écartait un peu les coudes on se cognait !! Et si on parle de confort c'est encore une autre chose. Si on poussait un peu trop la "clim" on avait de la neige dans le cockpit !!



                                                 Le Republic F-84F "Thunderstreak"


                                          Peu après ce vol le "patron" m'avait demandé si j'étais sportif et si je pouvais m'intégrer dans l'équipe de pentathlon de la 9éme escadre pour la prochaine compétition du PAM ( pentathlon aéronautique militaire), qui aura sur la base de Lhaar en Allemagne. C'était à croire que les pilotes de cette escadre n'étaient pas très sportifs pour que la hiérarchie décide d'embaucher les deux petits nouveaux. Quant à moi j'ai accepté d'emblée, car un sportif est toujours bien vu dans une escadre de chasse, et en général le sport ouvre pas mal de portes. Cela se concrétisera plus tard !  Le pentathlon de Laahr n'avait pas été si mauvais que ça pour nous, car sans entraînement nous avions terminé 3eme dans le classement par équipe.
                  La cadence de vol était plus calme que celle que j'avais connue à Cognac. A peu près trois vols par semaine, soit une vingtaine d'heures par mois. Le rythme sera un peu plus soutenu quand je commencerai l'entraînement pour devenir pilote opérationnel. J'aurai mes premières sueurs froides un jour de la fin du mois de mai. J'étais le dernier d'une patrouille de six F84-F, et notre objectif était un tunnel ferroviaire dans la région de Nantua, dans le Jura. Nous devions faire une attaque en bombardement semi-piqué, et comme nous étions encore bien chargé en carburant, les avions étaient lourds. Je pense que je m'étais un peu trop attardé à descendre dans la vallée pour faire un bon film avec la ciné-mitrailleuse, et j'étais descendu assez bas. Mais ensuite il fallait remonter tout le flanc de la montagne pour passer de l'autre côté, j'étais plein gaz et le manche en arrière, mais l'avion était vraiment lourd, j'étais proche du décrochage et j'ai frôlé les sapins.
Première leçon : attention aux attaques en montagne !!!!
                 9 juin 64, première mission de tir AIR/SOL sur le champ de tir d'Epagny, à côté de Dijon. Je devais tirer des roquettes de 68mm et des bombes d'exercices, avant de faire plusieurs passes aux mitrailleuses de 12/7. Le F84-F est un chasseur-bombardier, si bien que la majorité des missions consiste à faire des attaques air/sol. Nous ne ferons que très peu d'interceptions : missions réservées aux chasseurs tous temps.
                 Comme la 9éme escadre faisait partie des forces de l'OTAN, nous étions aux ordres des américains et nous avions beaucoup de missions à exécuter à proximité du "rideau de fer", à quelques kilomètres de la frontière. Il s'agissait d'observer le temps de réaction des différentes forces Russes . C'était le travail de nos stations radars. Mais il ne fallait pas se faire des illusions, dès que nous approchions de quelques mètres la frontière de l'Allemagne Fédérale, nous étions déjà repéré par les radars Russes.
                 Il y avait aussi d'autres missions que nous aimions bien. D'abord celle qui consistait à aller tirer des roquettes réelles au champ de tir de" Vliehors," où les cibles se trouvaient sur des îles de sable dans l'archipel des" Iles de la Frise" en Hollande. C'était à 500Km au nord de Metz. Il fallait donc beaucoup de kérosène pour accomplir ce vol. Même chose pour aller tirer nos roquettes aux Iles du Levant, en face du Lavandou : 1000Km aller-retour. Avec l'armement et les réservoirs supplémentaires les fusées JATO étaient nécessaires pour décoller.( Jet Assistance Take Off) .
                   Ces fusées fonctionnaient à la poudre noire si bien qu'après le décollage de six avions je vous laisse imaginer l'immense nuage noir qui enveloppait la base. C'était très spectaculaire !!

                                                     
                                           Un F84-F de mon escadrille, sur lequel j'ai volé !!


                Après le décollage il était obligatoire de faire un tour de piste pour larguer les fusées JATO qui devenaient inutiles. Il fallait les larguer sur la bande gazonnée entre la piste et le taxiway. Ensuite nous nous mettions en formation large pour rejoindre le champ de tir. Une mission de tir vers les Iles de la frise durait 2h10. Il me semble que nous n'avions pas trop envie de sortir le soir après une mission de genre.
                 Une anecdote. Un après-midi; un pilote du 2/9 que nous connaissions sous le surnom du "Poète" était assis à-côté de moi sur un banc, devant les avions en préparation, et m'avait fait part d'un coup qu'il avait l'intention de faire, il m'avait simplement dit _ Tu vas voir,on va entendre parler de moi ce soir_ J'ai su plus tard qu'il avait des problèmes avec ses chefs. Et voila ce qui s'est passé .
                  Après le décollage il fallait larguer donc les fusées, et pour ce faire il y a un gros bouton jaune sur lequel il faut appuyer au bon moment. A l'instant du largage le poète avait appuyé sur le "Panic buton"  qui est situé juste à-côté de l'autre. Le résultat a été très spectaculaire : jamais vu sur une base de chasseurs. Toutes les charges fixées sous les deux ailes, bidons roquettes, ont été larguées, sauf, comble d'ironie, les fusées JATO. Les roquettes sont tombées inertes dans une cour d'école, heureusement ce jour là il y avait congé. Peu de temps après cet exploit on a jamais revu le poète, il avait été muté comme comme moniteur sur Fouga à Salon-de-Provence.
                J'avais quitté Tours en avril 64, mais l'année scolaire n'était pas terminée, ce qui fait que mon épouse ne me rejoindra qu'au mois de juillet. En attendant j'utiliserai les moyens de la SNCF pour aller passer les week-ends à tours. Un de ses voyages fut assez drôle, car je m'étais bien endormi et réveillé à Chatelerault, bien après la gare de tours. Je suis donc sorti de la gare en faisant le mur, il faut dire qu'en ces temps là il fallait aussi montrer son ticket pour sortir. Je suis donc rentré à Tours en stop !!
               L'ambiance à l'escadron état sensationnelle, et les soirées pour fêter un événement s'achevaient très tard, ou plutôt au petit matin. le retour à la maison était difficile en hiver, le verglas étant très fréquent dans cette région. Nous habitions un F3 dans la banlieue ouest, un logement agréable car nous n'étions pas dans une de ses affreuses tours de 20 étages où tous les militaires étaient obligatoirement cantonnés. Il était au premier étage, juste au-dessus de l'entrée d'une petite caserne. Il n'y avaient que deux locataires dans cette annexe . Il y avait un escalier en bois pour y accéder. Les ascensions après certaines soirées se révélaient assez délicates.
              Les "Anciens" avaient décidé de refaire la décoration du bar de l'escadron, ce qui fut fait en une semaine. Pour l'éclairage nous avions trouvé des lampes à bougies dans un vieux fort allemand de la grande guerre. Et pour le sport nous avions sortis des décombres, non sans difficultés, un canon Krupp de 58mm, que les armuriers avaient en service. A l'occasion de certaines cérémonies nous tirions des salves d'honneur !!!
               Après quelques semaines d'entraînement, je passe mon examen de pilote opérationnel, et je deviens un équipier disponible pour aider un chef de patrouille. Je n'avais pas vu passer le temps et le 11 mars 1965 notre fille Nathalie voit le jour en Lorraine.
               Vers la fin du mois de mars 64, une rumeur se mit à circuler dans toutes les escadres de France. Le Général de Gaule, ne veut plus que nous fassions partie de l'OTAN. Les forces aériennes canadiennes et américaines vont donc quitter la France. Les deux escadres basées en Allemagne devront rentrer en France et la 9 basée à Metz doit rendre ses F84 aux américains car ils n'étaient que prêtés. La 9ème escadre va donc être dissoute, et les avions seront détruits à la dynamite !!!
               J'étais bien là, et comme tous les autres il fallait choisir l'endroit ou nous voulions poser nos valises! J'avais posé une question au "patron": si je demande à partir à Dijon sur Mirage III, vous croyez que cela marchera?? Il m'avait répondu que cela était possible du fait qu'on était en train de créer un troisième escadron à la 2ème Escadre. Nous seront plusieurs officiers et sous-officiers à être mutés à Dijon.
              21 avril, dernier vol sur le F84-F N°58. Mais avant que tout le monde soit éparpillé vers les autres bases, il y aura une soirée mémorable au " 1/9 Limousin". Ordre du chef pilote: il faut vider la cave avant de fermer l'escadron. Le retour à la maison aux premiers scintillements de l'aube sera très difficile. Puis départ en permission avant de rejoindre la 2ème escadre. ma première prestation dans l'aviation de chasse s'achevait.  




                            Le" charognard noir" s'est envolé et le "fennec" est rentré dans son trou !!
     



   

mardi 27 janvier 2015

Un virage vers l'école de chasse.

Ecole de chasse.



                                       Le 16 mai 63, Je volerai pour la dernière fois sur un T6 à Cognac. Je dois faire un stage d'environ un mois  à la base d'Orange. C'est le fief de la 5ème escadre de chasse qui officiait sur SMB2 (Super Mystère B2) à ce moment là. Mais c'est sur cette base que l'on avait logé une partie de l'école de chasse. Les jeunes qui arrivaient de Cognac faisaient leur apprentissage sur Fouga-Magister, un petit biplace bien connu de tout le monde puisqu'il équipait la "Patrouille de France". Et moi, on m'avait envoyé ici uniquement pour que je suive les cours concernant le moteur à réaction. Pendant le mois de juin je n'avais que deux ou trois heures de cours par semaine, ce qui me laissait beaucoup de temps libre pour visiter la région, et à essayer toutes les rivières du coin, en juin l'eau est bonne. Je réussirai à intriguer pour faire deux tours en place arrière sur ce "Fouga". Ce sera mes premiers vols sur avion à réaction.
             

                                                       Le Dassault Super Mystère B2

                   
             Mon stage à Orange terminé, je prendrai un mois de permission avant d'aller me mettre en place à Tours vers la grande école de chasse. Je pensais avoir volé pour la dernière fois à Cognac, mais non !! Le 4 et le 11 juillet je ferai deux vols. L'un avec un élève et l'autre sera un vol d'essai sur le T6 N° 114 qui sortait de révision. Je dois me présenter à Tours au mois de septembre 63.


                                                         Le Potez. Fouga Magister              


                                         Ecole de Chasse. Tours de septembre 63 à mars 1964.


                   Pour chaque nouvel avion, tout commence par des cours au sol. Cette fois, il nous faudra étudier les manuels  du Lockheed T-33, version biplace du F-80 "Shooting star" célèbre pendant la guerre de Corée. La version biplace se nommait : "Silver Star".



                                                        Le T-33 appelé aussi "T-Bird"

                         Après un mois de cours où nous étudierons aussi la théorie du tir air/air et air/sol, Nous ferons les premiers tours de pistes le 4 octobre sur le terrain de Châteaudun. Mon moniteur était l'A/C Roux, un père tranquille qui me faisait penser à Fernandel. Le 5, j'exécute mon premier vol en solo sur un "Jet", après une séance de 9 atterrissages avec mon instructeur.
                            Mon épouse obtiendra sa mutation dans un Lycée de Tours, et nous trouverons un meublé pas très loin de son établissement. Elle commencera les cours en septembre, et mois je continuerai mon apprentissage. Avec trois anciens moniteurs de l'école de l'air de Salon-de-Provence, je serai intégré dans la promotion 63D dans laquelle je retrouverai certains de mes anciens élèves de Cognac. Nous serons donc quatre pilotes déjà brevetés. Les autres seront "macaronés" à la fin de leur formation, en mars 1964.



                                             La promotion 64 D à l'école de chasse à Tours

                        Ce stage à Tours se déroulera dans une ambiance trépidante. C'était comme si j'étais en classe de seconde au bahut: pas d'examen au bout. Mon collègue de Cognac et moi nous logions en ville. Les élèves étaient logés à la base. Le "Quartier général" : le Moulin de Longchamp, où nous nous retrouvions pratiquement chaque soir, se trouvait au bord de la Loire à l'entrée de la ville. Superbe ambiance avec des parties de "Yams" et les tournées d'apéro qui se suivaient. Le patron, un "gay" nous avait à la bonne et nous étions bien reçus. Après de nombreuses parties de dés, nous allions assez souvent dîner "au trou dans le mur" où le couscous était fameux. En fin de semaine nous terminions la soirée dans une discothèque à la mode. Le lundi matin quelques uns d'entre nous avaient des problèmes pour ouvrir les yeux au briefing météo. Même qu'une fois mon épouse avait été obligée de quitter son cours tant elle était malade !!! De mon côté j'avais souvent quelques difficultés pour accomplir correctement mes missions. Il a fallut que nous mettions un frein à nos festivités. En plus j'avais échappé de peu à un blâme à cause d'une tempête de neige. Il y avait de gros problèmes de circulation et pour couronner le tout je crève une roue avec ma petite 4Cv Renault. Evidemment je suis arrivé en retard au briefing météo. Repéré le lascar !!!
                   Le 17 janvier j'achève mon stage sur le T-33 et je rejoins le 5 ème escadron, spécialisé pour la formation sur Mystère IV. On commence à attaquer les choses très sérieuses. C'est un avion de chasse monoplace construit par Marcel Dassault, et il n'existe pas de version biplace. Les simulateurs de vol n'existaient pas non plus. Une dizaine de jours de cours au sol et il fallait y aller.

                                            Dernier stage sur Mystère IV au 5ème escadron


Il est sûr que de décoller pour la première fois avec un avion de ce calibre, cela ne se fait pas sans une certaine appréhension. Mais quand on est au pied du mur il faut y aller. Il n'y a rien de plus jouissif au monde pour un pilote que de se retrouver un jours aux commandes d'un monoplace de chasse, surtout quand on a 25 ans !!!!

                                                     Mission mur du son

                  Après le huitième vol sur ce monoplace de mes rêves, il va falloir oser de plonger à la verticale au-dessus de la mer pour passer ce fameux "Mur". Un instructeur m'accompagnera vers Noirmoutier. Et allez hop! encore un coup de stress. Pour espérer passer ce mur du son il faut vraiment ce mettre plein gaz en piqué, et à un certain moment on voit le machmètre qui indique Mach 1. ( Environ 1200 Km/h) . Même harnaché on saute de joie dans le baquet !! Les seuls avions français à franchir le "mur du son" en palier à cette époque là était le Super Mystère B2 et son prédécesseur le SMB-1 et bien sûr le Mirage III. Je verrai ça plus tard !!!
                  Je termine mon stage sur Mystère-IV le 11 mars 64. J'ai alors le choix de partir en Allemagne et voler sur le F100 "Super Sabre", ou d'aller à Metz sur Republic F84F "Thuderstreak", des chasseurs bombardiers américains. Après discussion avec mon épouse le choix se portera sur la Lorraine.    

           



dimanche 25 janvier 2015

Farandole à Cognac.

Farandole entre Cognac et Montbazillac.

                                         Pour une raison que j’ignorai, mais certainement politique, nous ne tournerons plus à La Rochelle, mais à Bergerac à partir de la mi-février. Ce sera malgré tout mieux qu’à La Rochelle. la Dordogne et le Périgord est une très belle région, et les allers et retours entre Bergerac et Cognac étaient bien plus agréables.
          Jusqu'en mai 63 ce sera le train-train quotidien. Sauf que mes chefs me donneront souvent les élèves à problèmes, les cas tangents avec une mauvaise moyenne en cours au sols et difficile à lâcher. S’ils n’étaient pas lâchés ils étaient virés. J’aurai à m’occuper d’un malgache, de plusieurs africains et d’un indochinois. J’ai pour tache de les lâcher sinon ils seront virés. Sacrée responsabilité !!!  Deux d’entre eux me doivent une fière chandelle. Dédé C….. et Pierrot G….Le premier a fini à la Patrouille de France et le second dans la chasse d’abord et dans la Garde Présidentielle de Bongo au Gabon, par la suite !!
                     Un cas mémorable est celui d’un tchadien nommé N’djoumba. J’avais réussi à la lâcher avec quelques séances supplémentaires, et il continuera son stage. Un jour qu’il était en navigation solo de nuit, il se perdit dans le nord de Bordeaux, il n’avait rien à faire si au sud de notre secteur. Tout le monde se demandait comment il avait fait pour se trouver dans cette région ! Après cinq heures à essayer de rentrer à Cognac, il se trouva à court de carburant et se crasha aux phares dans un champ. Une brave paysanne qui se trouvait là s’évanouit en le voyant courir loin de l’avion. Quand elle retrouva ses esprits, elle téléphona à la gendarmerie du coin, en expliquant qu’elle avait vu le pilote courir mais qu’il était complètement carbonisé !!
                        Il se produisit d’autres accidents bien plus graves, causés surtout par des indisciplines.  Exemples: collision en vol entre deux élèves en vol solo, dont un malgache, résultat : deux morts. Idem pour un copain moniteur qui avait été breveté en même temps que moi à Marrakech. Les cérémonies funèbres se suivent et ne s’arrêterons pas là, malheureusement !!
                Au mois de mai 1963, j’atteindrai mes trois ans d'instruction et le Cdt d’escadron me posera la fameuse question. Maintenant que vous avez fini vos trois ans de moniteur, où voulez vous aller maintenant ? Et j’ai répondu, dans la « chasse » mon commandant. Et ce sera une autre phase importante de ma vie dans le monde de l’aviation.

Moniteur à la base école de Cognac

Moniteur  à  la  base  école  de Cognac.


                                  Dans la dernière semaine d’avril je ferai partie du premier groupe d’une quinzaine de T6 que nous convoierons de Marrakech à Cognac. Nous ferons une première escale à Séville, une autre à Madrid Getafe, puis Biarritz, et nous atteindrons Cognac en fin d’après-midi. 7h30 de vol, c’était long, mais quand même plus rapide qu’avec la 203 de Jean-Pierre Gl... Une escadre de bombardiers Boeing B26 "Invader " est encore stationnée sur la base. Je me débrouillerai pour faire un vol sur ce mythique bimoteur avant que cette escadre se soit envolée sous d'autres cieux, pour laisser la place au "Péril Jaune" comme on nous appelait !!   
                   Du 10 au 26 mai nous ferons plusieurs vols de reconnaissance dans la région et vers le terrain de La Rochelle Laleu où nous irons faire les tours de piste avec les futurs élèves. C’est un terrain en herbe, cela change complètement par rapport à la piste ocre de Sidi Zouine. La température n’est pas la même non plus, et la mer est en bout de piste !! Changement total de paysage. Le désert du sud du Maroc est loin. Les grandes tentes vertes qui serviront de réfectoires et de salles de briefing sont en place, cela fait tout à fait campement de la 2ème guerre mondiale. A quelques centaines de mètres du bout de la bande gazonnée un ostréiculteur travaille dans les bassins où sont élévées les fameuses huîtres de la région. De temps en temps, munis de pain de beurre et de quelques bouteilles de vin blanc, nous irons en déguster quelques unes. Le patron les sortira à la fourche, et a la fin il ne lui restera plus qu’à compter les coquilles pour qu’on le paye. On se croirait en vacances !!
    
                                 Base école de Cognac en 1962.
                                 Charly en place arrière du T6.
                                 En bas, Charly en face de moi.
                                 Et Michel Restout dit "Popof".                                                      
B-26 "Invader"
Je ne ferai qu'un vol sur cet avion. Cela restera un souvenir.


                Le 26 mai je prendrai en compte mes trois nouveaux élèves, Bousquet, pelegrin et Valleret. Ils font partie de la première promotion « 61 A » inaugurant la nouvelle base école 707 de Cognac. Nous tournerons donc à La Rochelle. Une dizaine d’élèves auront la chance d’y aller en T6, en profitant d’une mission, et les autres seront acheminés vers ce terrain en C-47, le fameux « Dakota » qui fit son premier vol en 1936. Ceux qui sont arrivés en T6 le matin rentreront le soir en Dakota.
                    Mes quartiers ne valent pas du tout ceux que j’avais à Marrakech. Il n’y a plus de palmiers, plus de piscine et j’ai une chambre dans un vieux bâtiment à-côté du mess des sous-officiers. Les escadrons sont assez loin du centre de vie, heureusement le « Solex » que j’avais fait suivre me rendra bien service en attendant que je trouve un nouveau véhicule. Ce sera une « traction avant » que j’achèterai à un ami, le S/C Rousset, que je retrouverai plus tard à Dijon! A part pour aller en ville le soir, elle me servira surtout pour aller passer les week-ends à Royan avec trois amis avec qui je m’entendais bien.
                 Royan restera un mauvais souvenir pour mon ami Hugues Jurion, un jour il est passé assez bas sur les voiliers du port pour se faire répérer par un général qui passait ses vacances dans le secteur. Cela lui a coûté 6 mois à faire de l’instruction militaire à la base d’Evreux.
                 Nous tournerons beaucoup autour de la bande gazonnée de La Rochelle. Je ferai mes soixante heures par mois jusqu’au 16 décembre 61, où une panne moteur à basse altitude mettra fin à ce rythme. Ce jour là j’effectuait une simple mission de voltige suivie d’une démonstration de vol à basse altitude et à basse vitesse, avec un de mes élèves : le Caporal Valleret. La panne survint bien sûr au moment où nous étions assez bas, pas loin du bourg de Pons dans les environs de Cognac. 
                     

Je n’aurai pas beaucoup de temps pour rechercher l’origine de la panne, il me faudra en même temps trouver un terrain favorable pour se crasher. Je choisirai un pré assez grand où j’aperçois des vaches. Cela se présentera correctement jusqu’au moment de l’arrondi pour se vomir dans l’herbe, mais juste avant d’arrondir je constaterai qu’une clôture de barbelés est tendue juste devant nous. Il faut absolument sauter par-dessus pour éviter que mon élève se fasse décapiter si par hasard sa verrière serait  restée ouverte !! Je n’ai plus beaucoup de vitesse et le T6 décroche pour tomber brutalement sur le nez.
               Le choc a été violent. Plus tard je me rendrai compte que mon casque s’est fendu sur la partie frontale. Ma tête a cogné très fort sur le manche à balai et je suis certainement tombé dans les pommes un bon moment, car lorsque j’ai émergé, l’avion commençait à brûler au niveau des ailes. Mon élève se réveillera en même temps que moi, et nous sortirons du T6 groggy. Complètement dans le cirage, j’ouvre le coffre à bagage, je remplirai et je signerai les formulaires comme si j’étais au parking, et nous nous éloignerons de la carcasse en flammes. Quelqu'un est certainement venu nous chercher car je ne me souviens plus du tout comment nous sommes rentrés à la base !!
           Je resterai quelques semaines en arrêt de vol. Il a fallu que j’aille plusieurs fois à Bordeaux pour des visites médicales et différents examens de la tête. Je garderai des séquelles de cet accident une bonne dizaine d’années, et sans doute quelques reste aujourd'hui, avec des maux de tête et des problèmes de colonne vertébrale.                                                          
Je reprendrai le manche le 23 janvier 1962. Mes nouveaux élèves de la promotion « 61-G » seront Guesdon, Charly Pernin et Michel Restout. Plus tard je saurai que Charly Pernin est en escadre de chasse et vole sur F-100, à Lhar, en Allemagne.
En février 62 j’abandonnerai ma chambre à la base, tout simplement parce que j’ai épousé une charmante limousine qui était professeur d’anglais au lycée de Cognac, et nous habiterons dans un petit meublé en ville dans la rue de Marignan. Normal, c'était une victoire !!!!