mercredi 28 janvier 2015

ESCADRE DE CHASSE DANS L'OTAN

9 ème Escadre de chasse

Base aérienne de Metz.
Escadron 1/9 " Limousin"

                             
                                      


                                 Au début du mois d'avril 64 je laisse derrière moi l'école de chasse et les bons souvenirs. Ma courageuse petite 4 CV ne me lâchera pas sur cette longue route entre Tours et Metz.
                Le Commandant de l'escadre m'accueille bien normalement ou militairement si on veut. Il m'annonce que je suis affecté à l'escadron 1/9 Limousin. Les bâtiments administratifs de la base sont en construction traditionnelle. L'escadron de chasse se présente comme une sorte de préfabriqué type américain, peint en vert militaire. Les personnes qui ont séjourné dans l'est de la France à cette époque où il y avait plusieurs bases canadiennes et américaines sur notre territoire connaissent bien ce genre de baraquement. Le 2/9 est installé de l'autre côté de la piste. C'est tout juste si on le voit de chez nous!
               Je serai très bien reçu dans cet escadron, ça sent le "chasseur" la-dedans, rien à voir avec l'accueil dans les écoles de pilotage, et je passerai de forts bons moments dans cet escadron. Je ferai d'abord deux vols sur le T33 avec le Cdt d'escadrille, qui me montrera un peu la région. Il faut savoir que dans chaque escadre de chasse il y a toujours un T-Bird qui traîne pour effectuer des liaisons et pour entraîner les pilotes, mais aussi pour aller chercher du whisky là où il est moins cher!! Puis on me laissera tranquille pendant une dizaine de jours pour que je puisse étudier le manuel de vol du F84-F. Je dois passer un test écrit sans aucune faute, sinon je repasserai l'examen.
                Je ferai mon premier vol sur cet énorme chasseur bombardier américain le 30 avril (jour de la St-Robert), chouette cadeau de fête. Comme pour le Mystère IV, il n'y avait pas de version biplace,il fallait y aller tout seul, après un bon briefing du Chef Pilote. Quand je parle d'un énorme avion américain, il faut imaginer une cabine de voiture américaine à deux places, quand on étend les bras on ne touche pas le bord de la cabine tellement c'est large. Dans les avions français si on écartait un peu les coudes on se cognait !! Et si on parle de confort c'est encore une autre chose. Si on poussait un peu trop la "clim" on avait de la neige dans le cockpit !!



                                                 Le Republic F-84F "Thunderstreak"


                                          Peu après ce vol le "patron" m'avait demandé si j'étais sportif et si je pouvais m'intégrer dans l'équipe de pentathlon de la 9éme escadre pour la prochaine compétition du PAM ( pentathlon aéronautique militaire), qui aura sur la base de Lhaar en Allemagne. C'était à croire que les pilotes de cette escadre n'étaient pas très sportifs pour que la hiérarchie décide d'embaucher les deux petits nouveaux. Quant à moi j'ai accepté d'emblée, car un sportif est toujours bien vu dans une escadre de chasse, et en général le sport ouvre pas mal de portes. Cela se concrétisera plus tard !  Le pentathlon de Laahr n'avait pas été si mauvais que ça pour nous, car sans entraînement nous avions terminé 3eme dans le classement par équipe.
                  La cadence de vol était plus calme que celle que j'avais connue à Cognac. A peu près trois vols par semaine, soit une vingtaine d'heures par mois. Le rythme sera un peu plus soutenu quand je commencerai l'entraînement pour devenir pilote opérationnel. J'aurai mes premières sueurs froides un jour de la fin du mois de mai. J'étais le dernier d'une patrouille de six F84-F, et notre objectif était un tunnel ferroviaire dans la région de Nantua, dans le Jura. Nous devions faire une attaque en bombardement semi-piqué, et comme nous étions encore bien chargé en carburant, les avions étaient lourds. Je pense que je m'étais un peu trop attardé à descendre dans la vallée pour faire un bon film avec la ciné-mitrailleuse, et j'étais descendu assez bas. Mais ensuite il fallait remonter tout le flanc de la montagne pour passer de l'autre côté, j'étais plein gaz et le manche en arrière, mais l'avion était vraiment lourd, j'étais proche du décrochage et j'ai frôlé les sapins.
Première leçon : attention aux attaques en montagne !!!!
                 9 juin 64, première mission de tir AIR/SOL sur le champ de tir d'Epagny, à côté de Dijon. Je devais tirer des roquettes de 68mm et des bombes d'exercices, avant de faire plusieurs passes aux mitrailleuses de 12/7. Le F84-F est un chasseur-bombardier, si bien que la majorité des missions consiste à faire des attaques air/sol. Nous ne ferons que très peu d'interceptions : missions réservées aux chasseurs tous temps.
                 Comme la 9éme escadre faisait partie des forces de l'OTAN, nous étions aux ordres des américains et nous avions beaucoup de missions à exécuter à proximité du "rideau de fer", à quelques kilomètres de la frontière. Il s'agissait d'observer le temps de réaction des différentes forces Russes . C'était le travail de nos stations radars. Mais il ne fallait pas se faire des illusions, dès que nous approchions de quelques mètres la frontière de l'Allemagne Fédérale, nous étions déjà repéré par les radars Russes.
                 Il y avait aussi d'autres missions que nous aimions bien. D'abord celle qui consistait à aller tirer des roquettes réelles au champ de tir de" Vliehors," où les cibles se trouvaient sur des îles de sable dans l'archipel des" Iles de la Frise" en Hollande. C'était à 500Km au nord de Metz. Il fallait donc beaucoup de kérosène pour accomplir ce vol. Même chose pour aller tirer nos roquettes aux Iles du Levant, en face du Lavandou : 1000Km aller-retour. Avec l'armement et les réservoirs supplémentaires les fusées JATO étaient nécessaires pour décoller.( Jet Assistance Take Off) .
                   Ces fusées fonctionnaient à la poudre noire si bien qu'après le décollage de six avions je vous laisse imaginer l'immense nuage noir qui enveloppait la base. C'était très spectaculaire !!

                                                     
                                           Un F84-F de mon escadrille, sur lequel j'ai volé !!


                Après le décollage il était obligatoire de faire un tour de piste pour larguer les fusées JATO qui devenaient inutiles. Il fallait les larguer sur la bande gazonnée entre la piste et le taxiway. Ensuite nous nous mettions en formation large pour rejoindre le champ de tir. Une mission de tir vers les Iles de la frise durait 2h10. Il me semble que nous n'avions pas trop envie de sortir le soir après une mission de genre.
                 Une anecdote. Un après-midi; un pilote du 2/9 que nous connaissions sous le surnom du "Poète" était assis à-côté de moi sur un banc, devant les avions en préparation, et m'avait fait part d'un coup qu'il avait l'intention de faire, il m'avait simplement dit _ Tu vas voir,on va entendre parler de moi ce soir_ J'ai su plus tard qu'il avait des problèmes avec ses chefs. Et voila ce qui s'est passé .
                  Après le décollage il fallait larguer donc les fusées, et pour ce faire il y a un gros bouton jaune sur lequel il faut appuyer au bon moment. A l'instant du largage le poète avait appuyé sur le "Panic buton"  qui est situé juste à-côté de l'autre. Le résultat a été très spectaculaire : jamais vu sur une base de chasseurs. Toutes les charges fixées sous les deux ailes, bidons roquettes, ont été larguées, sauf, comble d'ironie, les fusées JATO. Les roquettes sont tombées inertes dans une cour d'école, heureusement ce jour là il y avait congé. Peu de temps après cet exploit on a jamais revu le poète, il avait été muté comme comme moniteur sur Fouga à Salon-de-Provence.
                J'avais quitté Tours en avril 64, mais l'année scolaire n'était pas terminée, ce qui fait que mon épouse ne me rejoindra qu'au mois de juillet. En attendant j'utiliserai les moyens de la SNCF pour aller passer les week-ends à tours. Un de ses voyages fut assez drôle, car je m'étais bien endormi et réveillé à Chatelerault, bien après la gare de tours. Je suis donc sorti de la gare en faisant le mur, il faut dire qu'en ces temps là il fallait aussi montrer son ticket pour sortir. Je suis donc rentré à Tours en stop !!
               L'ambiance à l'escadron état sensationnelle, et les soirées pour fêter un événement s'achevaient très tard, ou plutôt au petit matin. le retour à la maison était difficile en hiver, le verglas étant très fréquent dans cette région. Nous habitions un F3 dans la banlieue ouest, un logement agréable car nous n'étions pas dans une de ses affreuses tours de 20 étages où tous les militaires étaient obligatoirement cantonnés. Il était au premier étage, juste au-dessus de l'entrée d'une petite caserne. Il n'y avaient que deux locataires dans cette annexe . Il y avait un escalier en bois pour y accéder. Les ascensions après certaines soirées se révélaient assez délicates.
              Les "Anciens" avaient décidé de refaire la décoration du bar de l'escadron, ce qui fut fait en une semaine. Pour l'éclairage nous avions trouvé des lampes à bougies dans un vieux fort allemand de la grande guerre. Et pour le sport nous avions sortis des décombres, non sans difficultés, un canon Krupp de 58mm, que les armuriers avaient en service. A l'occasion de certaines cérémonies nous tirions des salves d'honneur !!!
               Après quelques semaines d'entraînement, je passe mon examen de pilote opérationnel, et je deviens un équipier disponible pour aider un chef de patrouille. Je n'avais pas vu passer le temps et le 11 mars 1965 notre fille Nathalie voit le jour en Lorraine.
               Vers la fin du mois de mars 64, une rumeur se mit à circuler dans toutes les escadres de France. Le Général de Gaule, ne veut plus que nous fassions partie de l'OTAN. Les forces aériennes canadiennes et américaines vont donc quitter la France. Les deux escadres basées en Allemagne devront rentrer en France et la 9 basée à Metz doit rendre ses F84 aux américains car ils n'étaient que prêtés. La 9ème escadre va donc être dissoute, et les avions seront détruits à la dynamite !!!
               J'étais bien là, et comme tous les autres il fallait choisir l'endroit ou nous voulions poser nos valises! J'avais posé une question au "patron": si je demande à partir à Dijon sur Mirage III, vous croyez que cela marchera?? Il m'avait répondu que cela était possible du fait qu'on était en train de créer un troisième escadron à la 2ème Escadre. Nous seront plusieurs officiers et sous-officiers à être mutés à Dijon.
              21 avril, dernier vol sur le F84-F N°58. Mais avant que tout le monde soit éparpillé vers les autres bases, il y aura une soirée mémorable au " 1/9 Limousin". Ordre du chef pilote: il faut vider la cave avant de fermer l'escadron. Le retour à la maison aux premiers scintillements de l'aube sera très difficile. Puis départ en permission avant de rejoindre la 2ème escadre. ma première prestation dans l'aviation de chasse s'achevait.  




                            Le" charognard noir" s'est envolé et le "fennec" est rentré dans son trou !!
     



   

mardi 27 janvier 2015

Un virage vers l'école de chasse.

Ecole de chasse.



                                       Le 16 mai 63, Je volerai pour la dernière fois sur un T6 à Cognac. Je dois faire un stage d'environ un mois  à la base d'Orange. C'est le fief de la 5ème escadre de chasse qui officiait sur SMB2 (Super Mystère B2) à ce moment là. Mais c'est sur cette base que l'on avait logé une partie de l'école de chasse. Les jeunes qui arrivaient de Cognac faisaient leur apprentissage sur Fouga-Magister, un petit biplace bien connu de tout le monde puisqu'il équipait la "Patrouille de France". Et moi, on m'avait envoyé ici uniquement pour que je suive les cours concernant le moteur à réaction. Pendant le mois de juin je n'avais que deux ou trois heures de cours par semaine, ce qui me laissait beaucoup de temps libre pour visiter la région, et à essayer toutes les rivières du coin, en juin l'eau est bonne. Je réussirai à intriguer pour faire deux tours en place arrière sur ce "Fouga". Ce sera mes premiers vols sur avion à réaction.
             

                                                       Le Dassault Super Mystère B2

                   
             Mon stage à Orange terminé, je prendrai un mois de permission avant d'aller me mettre en place à Tours vers la grande école de chasse. Je pensais avoir volé pour la dernière fois à Cognac, mais non !! Le 4 et le 11 juillet je ferai deux vols. L'un avec un élève et l'autre sera un vol d'essai sur le T6 N° 114 qui sortait de révision. Je dois me présenter à Tours au mois de septembre 63.


                                                         Le Potez. Fouga Magister              


                                         Ecole de Chasse. Tours de septembre 63 à mars 1964.


                   Pour chaque nouvel avion, tout commence par des cours au sol. Cette fois, il nous faudra étudier les manuels  du Lockheed T-33, version biplace du F-80 "Shooting star" célèbre pendant la guerre de Corée. La version biplace se nommait : "Silver Star".



                                                        Le T-33 appelé aussi "T-Bird"

                         Après un mois de cours où nous étudierons aussi la théorie du tir air/air et air/sol, Nous ferons les premiers tours de pistes le 4 octobre sur le terrain de Châteaudun. Mon moniteur était l'A/C Roux, un père tranquille qui me faisait penser à Fernandel. Le 5, j'exécute mon premier vol en solo sur un "Jet", après une séance de 9 atterrissages avec mon instructeur.
                            Mon épouse obtiendra sa mutation dans un Lycée de Tours, et nous trouverons un meublé pas très loin de son établissement. Elle commencera les cours en septembre, et mois je continuerai mon apprentissage. Avec trois anciens moniteurs de l'école de l'air de Salon-de-Provence, je serai intégré dans la promotion 63D dans laquelle je retrouverai certains de mes anciens élèves de Cognac. Nous serons donc quatre pilotes déjà brevetés. Les autres seront "macaronés" à la fin de leur formation, en mars 1964.



                                             La promotion 64 D à l'école de chasse à Tours

                        Ce stage à Tours se déroulera dans une ambiance trépidante. C'était comme si j'étais en classe de seconde au bahut: pas d'examen au bout. Mon collègue de Cognac et moi nous logions en ville. Les élèves étaient logés à la base. Le "Quartier général" : le Moulin de Longchamp, où nous nous retrouvions pratiquement chaque soir, se trouvait au bord de la Loire à l'entrée de la ville. Superbe ambiance avec des parties de "Yams" et les tournées d'apéro qui se suivaient. Le patron, un "gay" nous avait à la bonne et nous étions bien reçus. Après de nombreuses parties de dés, nous allions assez souvent dîner "au trou dans le mur" où le couscous était fameux. En fin de semaine nous terminions la soirée dans une discothèque à la mode. Le lundi matin quelques uns d'entre nous avaient des problèmes pour ouvrir les yeux au briefing météo. Même qu'une fois mon épouse avait été obligée de quitter son cours tant elle était malade !!! De mon côté j'avais souvent quelques difficultés pour accomplir correctement mes missions. Il a fallut que nous mettions un frein à nos festivités. En plus j'avais échappé de peu à un blâme à cause d'une tempête de neige. Il y avait de gros problèmes de circulation et pour couronner le tout je crève une roue avec ma petite 4Cv Renault. Evidemment je suis arrivé en retard au briefing météo. Repéré le lascar !!!
                   Le 17 janvier j'achève mon stage sur le T-33 et je rejoins le 5 ème escadron, spécialisé pour la formation sur Mystère IV. On commence à attaquer les choses très sérieuses. C'est un avion de chasse monoplace construit par Marcel Dassault, et il n'existe pas de version biplace. Les simulateurs de vol n'existaient pas non plus. Une dizaine de jours de cours au sol et il fallait y aller.

                                            Dernier stage sur Mystère IV au 5ème escadron


Il est sûr que de décoller pour la première fois avec un avion de ce calibre, cela ne se fait pas sans une certaine appréhension. Mais quand on est au pied du mur il faut y aller. Il n'y a rien de plus jouissif au monde pour un pilote que de se retrouver un jours aux commandes d'un monoplace de chasse, surtout quand on a 25 ans !!!!

                                                     Mission mur du son

                  Après le huitième vol sur ce monoplace de mes rêves, il va falloir oser de plonger à la verticale au-dessus de la mer pour passer ce fameux "Mur". Un instructeur m'accompagnera vers Noirmoutier. Et allez hop! encore un coup de stress. Pour espérer passer ce mur du son il faut vraiment ce mettre plein gaz en piqué, et à un certain moment on voit le machmètre qui indique Mach 1. ( Environ 1200 Km/h) . Même harnaché on saute de joie dans le baquet !! Les seuls avions français à franchir le "mur du son" en palier à cette époque là était le Super Mystère B2 et son prédécesseur le SMB-1 et bien sûr le Mirage III. Je verrai ça plus tard !!!
                  Je termine mon stage sur Mystère-IV le 11 mars 64. J'ai alors le choix de partir en Allemagne et voler sur le F100 "Super Sabre", ou d'aller à Metz sur Republic F84F "Thuderstreak", des chasseurs bombardiers américains. Après discussion avec mon épouse le choix se portera sur la Lorraine.    

           



dimanche 25 janvier 2015

Farandole à Cognac.

Farandole entre Cognac et Montbazillac.

                                         Pour une raison que j’ignorai, mais certainement politique, nous ne tournerons plus à La Rochelle, mais à Bergerac à partir de la mi-février. Ce sera malgré tout mieux qu’à La Rochelle. la Dordogne et le Périgord est une très belle région, et les allers et retours entre Bergerac et Cognac étaient bien plus agréables.
          Jusqu'en mai 63 ce sera le train-train quotidien. Sauf que mes chefs me donneront souvent les élèves à problèmes, les cas tangents avec une mauvaise moyenne en cours au sols et difficile à lâcher. S’ils n’étaient pas lâchés ils étaient virés. J’aurai à m’occuper d’un malgache, de plusieurs africains et d’un indochinois. J’ai pour tache de les lâcher sinon ils seront virés. Sacrée responsabilité !!!  Deux d’entre eux me doivent une fière chandelle. Dédé C….. et Pierrot G….Le premier a fini à la Patrouille de France et le second dans la chasse d’abord et dans la Garde Présidentielle de Bongo au Gabon, par la suite !!
                     Un cas mémorable est celui d’un tchadien nommé N’djoumba. J’avais réussi à la lâcher avec quelques séances supplémentaires, et il continuera son stage. Un jour qu’il était en navigation solo de nuit, il se perdit dans le nord de Bordeaux, il n’avait rien à faire si au sud de notre secteur. Tout le monde se demandait comment il avait fait pour se trouver dans cette région ! Après cinq heures à essayer de rentrer à Cognac, il se trouva à court de carburant et se crasha aux phares dans un champ. Une brave paysanne qui se trouvait là s’évanouit en le voyant courir loin de l’avion. Quand elle retrouva ses esprits, elle téléphona à la gendarmerie du coin, en expliquant qu’elle avait vu le pilote courir mais qu’il était complètement carbonisé !!
                        Il se produisit d’autres accidents bien plus graves, causés surtout par des indisciplines.  Exemples: collision en vol entre deux élèves en vol solo, dont un malgache, résultat : deux morts. Idem pour un copain moniteur qui avait été breveté en même temps que moi à Marrakech. Les cérémonies funèbres se suivent et ne s’arrêterons pas là, malheureusement !!
                Au mois de mai 1963, j’atteindrai mes trois ans d'instruction et le Cdt d’escadron me posera la fameuse question. Maintenant que vous avez fini vos trois ans de moniteur, où voulez vous aller maintenant ? Et j’ai répondu, dans la « chasse » mon commandant. Et ce sera une autre phase importante de ma vie dans le monde de l’aviation.

Moniteur à la base école de Cognac

Moniteur  à  la  base  école  de Cognac.


                                  Dans la dernière semaine d’avril je ferai partie du premier groupe d’une quinzaine de T6 que nous convoierons de Marrakech à Cognac. Nous ferons une première escale à Séville, une autre à Madrid Getafe, puis Biarritz, et nous atteindrons Cognac en fin d’après-midi. 7h30 de vol, c’était long, mais quand même plus rapide qu’avec la 203 de Jean-Pierre Gl... Une escadre de bombardiers Boeing B26 "Invader " est encore stationnée sur la base. Je me débrouillerai pour faire un vol sur ce mythique bimoteur avant que cette escadre se soit envolée sous d'autres cieux, pour laisser la place au "Péril Jaune" comme on nous appelait !!   
                   Du 10 au 26 mai nous ferons plusieurs vols de reconnaissance dans la région et vers le terrain de La Rochelle Laleu où nous irons faire les tours de piste avec les futurs élèves. C’est un terrain en herbe, cela change complètement par rapport à la piste ocre de Sidi Zouine. La température n’est pas la même non plus, et la mer est en bout de piste !! Changement total de paysage. Le désert du sud du Maroc est loin. Les grandes tentes vertes qui serviront de réfectoires et de salles de briefing sont en place, cela fait tout à fait campement de la 2ème guerre mondiale. A quelques centaines de mètres du bout de la bande gazonnée un ostréiculteur travaille dans les bassins où sont élévées les fameuses huîtres de la région. De temps en temps, munis de pain de beurre et de quelques bouteilles de vin blanc, nous irons en déguster quelques unes. Le patron les sortira à la fourche, et a la fin il ne lui restera plus qu’à compter les coquilles pour qu’on le paye. On se croirait en vacances !!
    
                                 Base école de Cognac en 1962.
                                 Charly en place arrière du T6.
                                 En bas, Charly en face de moi.
                                 Et Michel Restout dit "Popof".                                                      
B-26 "Invader"
Je ne ferai qu'un vol sur cet avion. Cela restera un souvenir.


                Le 26 mai je prendrai en compte mes trois nouveaux élèves, Bousquet, pelegrin et Valleret. Ils font partie de la première promotion « 61 A » inaugurant la nouvelle base école 707 de Cognac. Nous tournerons donc à La Rochelle. Une dizaine d’élèves auront la chance d’y aller en T6, en profitant d’une mission, et les autres seront acheminés vers ce terrain en C-47, le fameux « Dakota » qui fit son premier vol en 1936. Ceux qui sont arrivés en T6 le matin rentreront le soir en Dakota.
                    Mes quartiers ne valent pas du tout ceux que j’avais à Marrakech. Il n’y a plus de palmiers, plus de piscine et j’ai une chambre dans un vieux bâtiment à-côté du mess des sous-officiers. Les escadrons sont assez loin du centre de vie, heureusement le « Solex » que j’avais fait suivre me rendra bien service en attendant que je trouve un nouveau véhicule. Ce sera une « traction avant » que j’achèterai à un ami, le S/C Rousset, que je retrouverai plus tard à Dijon! A part pour aller en ville le soir, elle me servira surtout pour aller passer les week-ends à Royan avec trois amis avec qui je m’entendais bien.
                 Royan restera un mauvais souvenir pour mon ami Hugues Jurion, un jour il est passé assez bas sur les voiliers du port pour se faire répérer par un général qui passait ses vacances dans le secteur. Cela lui a coûté 6 mois à faire de l’instruction militaire à la base d’Evreux.
                 Nous tournerons beaucoup autour de la bande gazonnée de La Rochelle. Je ferai mes soixante heures par mois jusqu’au 16 décembre 61, où une panne moteur à basse altitude mettra fin à ce rythme. Ce jour là j’effectuait une simple mission de voltige suivie d’une démonstration de vol à basse altitude et à basse vitesse, avec un de mes élèves : le Caporal Valleret. La panne survint bien sûr au moment où nous étions assez bas, pas loin du bourg de Pons dans les environs de Cognac. 
                     

Je n’aurai pas beaucoup de temps pour rechercher l’origine de la panne, il me faudra en même temps trouver un terrain favorable pour se crasher. Je choisirai un pré assez grand où j’aperçois des vaches. Cela se présentera correctement jusqu’au moment de l’arrondi pour se vomir dans l’herbe, mais juste avant d’arrondir je constaterai qu’une clôture de barbelés est tendue juste devant nous. Il faut absolument sauter par-dessus pour éviter que mon élève se fasse décapiter si par hasard sa verrière serait  restée ouverte !! Je n’ai plus beaucoup de vitesse et le T6 décroche pour tomber brutalement sur le nez.
               Le choc a été violent. Plus tard je me rendrai compte que mon casque s’est fendu sur la partie frontale. Ma tête a cogné très fort sur le manche à balai et je suis certainement tombé dans les pommes un bon moment, car lorsque j’ai émergé, l’avion commençait à brûler au niveau des ailes. Mon élève se réveillera en même temps que moi, et nous sortirons du T6 groggy. Complètement dans le cirage, j’ouvre le coffre à bagage, je remplirai et je signerai les formulaires comme si j’étais au parking, et nous nous éloignerons de la carcasse en flammes. Quelqu'un est certainement venu nous chercher car je ne me souviens plus du tout comment nous sommes rentrés à la base !!
           Je resterai quelques semaines en arrêt de vol. Il a fallu que j’aille plusieurs fois à Bordeaux pour des visites médicales et différents examens de la tête. Je garderai des séquelles de cet accident une bonne dizaine d’années, et sans doute quelques reste aujourd'hui, avec des maux de tête et des problèmes de colonne vertébrale.                                                          
Je reprendrai le manche le 23 janvier 1962. Mes nouveaux élèves de la promotion « 61-G » seront Guesdon, Charly Pernin et Michel Restout. Plus tard je saurai que Charly Pernin est en escadre de chasse et vole sur F-100, à Lhar, en Allemagne.
En février 62 j’abandonnerai ma chambre à la base, tout simplement parce que j’ai épousé une charmante limousine qui était professeur d’anglais au lycée de Cognac, et nous habiterons dans un petit meublé en ville dans la rue de Marignan. Normal, c'était une victoire !!!!








samedi 24 janvier 2015

26 septembre 1960. base école 707: c’est la rentrée.
                            Les T-6 en place pour le défilé de la St-Eloi le patron des mécaniciens.

                             Le 25 septembre 60, le Nord-Atlas nous déposera à l’escale de la base école 707, et le 26 je reprendrai le manche. Cette fois j’ai trois nouveaux élèves à former de A à Z : Bride, Brunel et Bugnet. Et me revoilà reparti pour Sidi Zouine, mais de l’autre côté de la barrière. Et c’est parti pour la farandole des tours de piste: décollage, vent arrière, dernier virage, atterrissage, remise de gaz et on recommence. Quand j’étais élève c’était 6 ou 8  par jour, et maintenant ce sera 20 ou 25 pour mes trois élèves !! J’aurai 23 ans en octobre, et je passerai Noël et le Jour de l’An à Marrakech. Mes trois élèves termineront leur stage en février 61. Le 1er ira dans la chasse, le second dans les hélicos et le 3ème dans le transport.
La belle vie à Marrakech va être bouleversée le 26 février 1961 par un événement majeur : la mort de Mohamed V, le roi du Maroc. On craint des émeutes et nous serons consignés sur la base. Mais tout se passera bien, Hassan II, le prince héritier tient bien le pays. Mais les accords passés entre l’ancien Roi et la France sont abolis. L’armée française doit quitter le pays. Le déménagement débutera au mois de mai. Et nous assisterons à un énorme gâchis. Un véritable pont aérien sera constitué par plusieurs Nord-Atlas pour aller jeter à la mer, des tonnes de matériel, des munitions etc…. Impossible de récupérer ne serait-ce qu’un simple magnétophone.

                                                                          Le Nord Atlas
                                     La dernière promotion sera bouclée au mois d'avril. Marrakech et le merveilleux Sud Marocain ce sera terminé pour tout le monde. Nous sommes virés, il faut rentrer à la maison France. Je vendrai ma Buick 50 francs à un ferrailleur, de toutes façons avec une bielle coulée elle ne marchait plus qu'avec 7 cylindres et bouffait autant d'huile que d'essence !!! 
                             Je finirai mon séjour dans le Sud avec un vélo-solex que j'amènerai avec moi jusqu'à la nouvelle base école de Cognac.  

       

vendredi 23 janvier 2015

                      Pilote moniteur à l'école de pilotage de Marrakech.


               
       
                                  Je serai affecté au 2ème Escadron, le patron, le Capitaine Lapous est très sympathique, et je serai bien accueilli par tous les moniteurs. Pas du tout la même ambiance que lorsque j’étais élève bien sûr. J’ai une belle combinaison de vol toute neuve et un joli blouson vert. Le parachute qui nous sert aussi de siège est bien plus confortable que celui que l’on avait quand nous étions élèves. Un peu normal, car je serai assis dessus pendant trois heures de suite !
                      Comme pour chaque moniteur, j'aurai à m'occuper de trois élèves de la promotion "60 F", qui sont déjà bien avancés dans leur progression, ils sont lâchés depuis trois mois et terminerons bientôt leur stage. Le vrai travail de moniteur commence, et avec trois élèves et une leçon d'une heure  pour chacun, les 60 heures par mois sont vites atteintes. Cela se révélera fatiguant, surtout quand il fait chaud, car je n'en faisait qu'une vingtaine quand j'étais élève. Mais on fini par s'habituer et à prendre le rythme. En général nous faisions deux vols le matin et un l'après midi.
                       Vers 16h les élèves regagnent leur cantonnement. Après une bonne douche nous passons un petit moment au bar des moniteurs que je connais très bien, et nous jouons au tarot pour nous décontracter un peu en nous désaltérant. Après 17h nous filons nous changer et nous ne perdrons pas de temps pour retrouver les copains à la piscine de garnison. Ensuite ce sera un petit passage à notre cher quartier général, le « Café de la Renaissance ». Pour être autonome il faut bien sûr un moyen de déplacement. J'achèterai à un copain une vieille américaine qui dépassait les 120.000 Km . Une Buick Eight : 8 cylindres en ligne et 25 litres au cent en roulement doucement !!! L'essence n'était pas chère à cette époque là.
                          De temps en temps nous partions à quatre ou cinq pour passer un week-end au bord de la mer ou dans le Haut-Atlas. D'autres fois ce sera une balade dans les fameux souks de Marrakech. Sans manquer la place Djama el F'na, célèbre dans le film d' alfred Hitchcok ; "l'homme qui en savait trop". Il ne fallait pas manquer aussi les charmeurs de serpents et les arracheurs de dents.
                                            La place Djama El F'na et la Koutoubia au fond


                         La « 60 F »  terminera sa progression fin juillet, et après leur départ la base fermera pour tout le mois d’août. Le 6 je partirai pour la France avec un collègue qui à l’intention de convoyer sa 203 Peugeot cabriolet chez lui. Cela nous fera une belle balade à travers le Maroc et l’Espagne. Je descendrai à Bordeaux pour prendre le train et rejoindre ma mère qui était en vacances en Vendée où elle se reposait avec Brigitte la petite dernière de mes trois soeurs. Et de là nous partirons dans l’Ain où se trouvait la vieille maison familiale.
                Les 45 jours de permission passeront vite, et je me rendrai au Bourget pour embarquer dans un Nord-Atlas et regagner la base école 707 de Marrakech pour reprendre le travail : mes nouveaux élèves m’attendent !
           






                        La 203 décapotable de JPG.  Marrakcch-Nancy. Un stop à Bordeaux pour moi.



                                                 ELEVE  MONITEUR  A  MARRAKECH


                                    Les copains de la promo « 59 A » sont tous partis vers leur nouvelle affectation, sauf un, le Sgt Lamie: qui était le major de promo. Il suivra avec moi le stage de moniteur à la D.M.P. Les huit autres sont de la promo « 58 F ». Ils nous attendaient pour commencer le stage.
          Maintenant que je suis caporal-chef ADL( au dessus de la durée légale) et moniteur stagiaire, j’ai droit à une chambre au bâtiment des sous-officiers. C’est dans un endroit agréable de la base, à l’ombre des eucalyptus et des palmiers, juste à-côté de la piscine. Je peut sortir de la base quand je veux. Plus de déplacements en colonne par trois pour aller à la D.I.V. Pour moi c’est déjà une belle vie qui commence, et je ne suis pas encore moniteur !
                      Le 14 décembre 59 je fais mon premier vol comme élève moniteur avec le Sgt Travadel. Il sera mon instructeur jusqu’à la fin du stage. Le 1er janvier 1960 je suis promu au grade se sergent. La solde sera meilleure. Maintenant je fais presque partie des grands. Le 3 mars j’effectue une mission avec un autre stagiaire, cela s’appelait  le vol en mutuelle. Au cours de la mission nous passons chacun à notre tour en place arrière. J’en ferai plusieurs avec le Sgt Leclerc, stagiaire  comme moi. Celui qui est en place arrière pilote et celui qui est devant assure la sécurité. Nous apprenons à maîtriser l’avion depuis la place arrière, « celle du moniteur », car de la place arrière la visibilité vers l’avant n’est pas formidable, et il faut surtout que l’on apprenne à poser cet avion de la place arrière. En général nous terminons les vols vers 17 h et comme en mars il fait très beau à Marrakech, nous allons souvent nous baigner à la piscine de garnison qui est située en ville dans une jolie palmeraie. Le bar est bien garni et on y déguste aussi de bonnes brochettes. Le soir nous nous donnons rendez-vous au Café de le Renaissance, avant d’aller au restaurant ou au cinéma. En avril nous continuons à apprendre notre futur travail. Le 14 mai 60 notre apprentissage prend fin. Je vais enfin être breveté pilote.
                         Le 15 mai 1960 : « une grande date dans ma carrière de pilote », une cérémonie se déroule sur la grande esplanade du drapeau, et le Sgt Travadel agrafe le tant désiré « macaron » orné des deux ailes, de l’étoile et de la couronne de laurier sur la poche droite de ma chemise. L’étoile te guide, les ailes te portent et la couronne t’attend. C’est la devise du macaron de pilote. Je n’ai pas encore 21 ans, ce qui faisait de moi à cet instant le plus jeune pilote militaire breveté de France, j’étais fier !
                  Parmi les huit nouveaux brevetés, trois partirons comme moniteurs sur Fouga Magister à Salon de Provence. L’un d’eux se tuera en« service aérien commandé ».peu de temps après son arrivée.
                     Un arrosage sera bien sûr organisé au mess. Le lendemain fut difficile pour certains, et particulièrement pour celui qui s’est retrouvé avec une jambe dans le plâtre. Heureusement pour lui, c’était une blague. Quant à moi, je me suis réveillé avec un sacré mal au caillou !!!    

                                                               
                                     L'étoile te guide, les ailes te portent, la couronne t'attend.

 C'est fait, je viens d'être breveté pilote.
A ma gauche le Sgt Basset qui trouvera sa "couronne de laurier" à Cognac

                                                Le V.S.V. vol sans visibilité.

                            La partie la plus difficile en ce qui me concernait, c’était le vol sans visibilité. (VSV). 40 missions à effectuer. Beaucoup de concentration. Rapidité pour regarder les  différents instruments, car si on en fixe un, il y a un autre paramètre qui va s’en aller. Il fallait sans arrêt balayer tout le tableau de bord.
                     Parallèlement aux vols sous la capote nous avions des séances de « Link-trainer »  à accomplir, deux ou trois par semaine. Cela se passait dans un bâtiment climatisé où il fallait rentrer avec des patins. Il y avait une dizaine de machines impeccablement alignées. Une sorte de boîte à savon avec un tableau de bord de T6. A part les instruments de vol, il n’y avait rien d’autre qui ressemblait à un avion. A-côté du link il y avait une table de verre sur laquelle se baladait une sorte de "crabe" guidé par un câble et qui retraçait les circonvolutions que l'on faisait en pilotant. L'instructeur était assis à-côté et surveillait le "crabe" En général les moniteurs n’étaient pas très sympa avec nous. Sans doute pour une question de jalousie: ils n’étaient pas pilotes !! Enfin c’est mon opinion, mais on peut se tromper, plus tard je jouerai au tennis avec l’un d’entre eux, un certain Sgt Morel. C’était très difficile de piloter dans cette boîte à savon, et quand on terminait nous étions presque en larmes car les moniteurs étaient très sévères avec nous. Et je ne parlerai pas du pilotage en panneau partiel où certains instruments étaient cachés, les instruments les plus importants
            Un link-trainer moderne. Ceux que nous avions étaient de véritables caisses à savon. 


                                  Le reste, c'est-à-dire la voltige et la navigation à vue ne posaient pas trop de problèmes. Et le 10 novembre 59, ce sera PP38 : le test final et ma dernière mission avec le S/C Burkel, un examinateur. Mon apprentissage d'élève s'achève et je comptabilise 200 heures de vol.
                      "L'amphi" final à lieu à la DIV dans la salle de briefing du 4ème escadron. C'est le moment pour chaque élève de choisir sa prochaine école. L'école de chasse à Meknès sur Ouragan, le transport à Avord sur Dassault 315, ou les hélicoptères à Chambéry. Comme je n'étais pas trop mal placé dans le classement final, mon moniteur, le S/C Rémusan m'avait fortement conseillé de choisir la D.M.P. , l'école des moniteurs de pilotage, car les places n'étaient pas nombreuses , et il m'avait expliqué qu'après trois ans d'instruction à Marrakech, j'aurai l'avantage de pouvoir choisir n'importe quelle école pour ma prochaine affectation. Je m'apercevrai plus tard que j'avais fait le bon choix, surtout que la vie dans le Sud Marocain me plaisait bien.
                          Mes deux compères de Madagascar partirons à Chambéry. Bruno fera carrière sur hélico, et Andrianomé retournera à Tananarive après ses 5 ans d'engagement. Sur les sept partis à Meknès, deux ferons une carrière dans la chasse, les autres seront "boulés".  Après l'école de chasse, les trois marocains se tueront rapidement avec les deux énormes " Sea-Fury", cadeaux des anglais. Ces avions dotés d'un moteur de 2000CV, n'étaient pas très faciles à piloter pour des jeunes d'une vingtaine d'années et pas très expérimentés !! 



                                                   L'ouragan à l'école de chasse à Meknès




                                             Le Dassault 315 à l'école du transport à Avord

jeudi 22 janvier 2015

                                                        Pilotage de perfectionnement.


                                         C'est la phase la plus intéressante car elle est très variée. Il y aura de la voltige, du vol en formation serrée, de la navigation et du vol sans visibilité, (V.S.V.). Le plus difficile à mon avis était le VSV. L'élève est en place arrière sous une capote et doit faire des exercices de toutes sortes : comme des virages de 360° minutés en montée et en descente, percée radiocompas etc....

                    Mon moniteur principal sera le S/C Rémusan, mais je volerai aussi avec d'autres moniteurs. Il y en avait de deux sortes: les gentils et les gueulards, le mien était plutôt sympathique. Parmi mes camarades il y en avaient plusieurs qui se plaignaient. En général les plus gentils sortaient de la DMP de Marrakech. Les gueulards étaient souvent des anciens pilotes venant du transport ou d'anciens chasseurs un peu aigris.
                      Le 5 mai, 15 jours après mon vol en solo, nous quittons Sidi Zouine et je serai lâché sur la grande piste en dur de Marrakech. C'est un moment de joie car nous volons avec les grands, les futurs instructeurs et ceux qui arrivent en fin de stage. Le 10 juin je suis nommé caporal; ça vient doucement!!! A la fin du mois de juillet les vols sont interrompus. Juillet et août sont deux mois très chauds à Marrakech. Il fallait faire attention en mettant les harnais, ont pouvait se brûler le cou avec les boucles en métal. La base école va fermer ses portes et tout le monde ou presque partira en permission en France. Il n'y aura pas de Nord Atlas cette fois ci, et ceux qui veulent aller en France doivent se débrouiller !!  Mes deux copains, Bruno, Andria et moi nous choisirons le train pour rejoindre Casablanca. Toute une journée pour parcourir les 200 Km ! La chaleur est accablante, et bien sûr il n’y a pas de climatisation. Je mettrai mon arrière train à la fenêtre pour me rafraîchir un peu !! Plusieurs arrêts en rase campagne, à cause des escargots qui font déraper la loco !! Une fois à Casa nous irons au terrain d’Anfa pour embarquer dans un Nord à destination du Bourget.
               Le 3 septembre, à la fin des vacances je prendrai le train pour la base d’Istres. Un Bréguet-deux-ponts est prêt à ramener les permissionnaires à Marrakech. Et le 8 septembre nous recommencerons au rythme d’un ou deux vols par jours. Deux séances de révisions, et le programme normal reprendra. Le 28 nous débuterons les vols de nuit. Le 30 je serai lâché pour voler seul sous les étoiles, avec les lumières de la ville en dessous, sans oublier les balises vertes, blanches, bleues et rouges de la base. Magnifique spectacle pour un jeune pilote !!! Cerise sur le gâteau, le 26 octobre je serai nommé caporal-chef. Quasiment un beau cadeau d’anniversaire : c’est le 20 octobre. Encore un mois et je passerai A.D.L, c’est-à-dire au-dessus de la durée légale: soit 18 mois de service. Un statut très intéressant de passer A.D.L car la solde est bien meilleure. Cela me faisait passer de 30 à 52.000 francs par mois. ( Nous sommes en 1959 !!)  Pour l’époque et pour un garçon de vingt ans ce n’était pas mal. Réajusté pour notre temps cela serait proche de 500 euros peut-être ??
                           Un gros morceau à avaler ce sera le vol en formation serrée. La première fois on n'est pas très à l'aise quand il faut se tenir à quelques centimètres de l'avion qui est à-côté de vous, surtout lorsque l'on est en virage et que le coéquipier est en-dessous de vous !!!  Après quelques heures ce sera un vol comme les autres.
                                        Patrouille serrée au-dessus de l'oliveraie de Marrakech.


Le Bréguet deux-ponts

mercredi 21 janvier 2015

                                                            Division d’instruction en vol.

                                                                                                                                                                   
                       Le 29 janvier 59 nous débutons le stage de vol. Cela faisait longtemps que j’attendais ce moment. Le commandant de la D.I.V nous avait tous rassemblé dans la salle de cinéma pour nous passer une engueulade carabinée parce que les élèves de la promotion précédente ( la 58F ) avaient cassé trop d’avions pendant la phase de lâcher. Je garderai toujours en mémoire ce qu’il avait dit en conclusion « il faut que vous compreniez enfin, que ce n’est pas le moteur qui vole, mais c’est l’aile »
Nous achevons les deux mois de cours au sol, et je passe bien le cap de l’examen final. Ce n’est pas le cas pour quelques uns d’entre nous qui rentreront chez eux.

                                                               Sur la piste de Sidi Zouine                                                                                  
       23 février 1959 : une grande date dans ma vie ! C’est le jour de mon premier vol sur le « North American Texan 6 ». Cela ne fait pas très longtemps que ces T6 sont à Marrakech, en provenance des écoles de pilotage des Etats-Unis et du Canada.
                Le terrain de nos premiers pas, ou plutôt, de nos premiers battements d’ailes, se situait à proximité du village de Sidi Zouine, un endroit désertique à une vingtaine de Km de Marrakech. Deux pistes parallèles en terre ocre, presque rouge, séparées par un bande goudronnée pour les décollages. Aucune construction en dur, une tente pour le repos, une tente pour les repas, et la baraque du starter: un cube rouge et blanc dans lequel le Cdt d’Escadrille ou le chef pilote dirige par radio les décollages et les atterrissages. Une vingtaine de T6 évoluent dans un secteur réservé et en tours de pistes de 9h du matin jusqu’à 16h.
                  Une partie des élèves pilotes arrivait en car le matin, les autres chanceux partaient de Marrakech en T6 avec un moniteur, effectuaient une leçon et se posaient à Sidi Zouine.
                 De la première heure de vol jusqu'à la quinzième nous apprendrons les bases du pilotage: les différentes phases de vol, mai aussi les décrochages et les vrilles. A partir de la 16ème heure jusqu’à la 21ème ce sera des tours de pistes, soit 6 à 7 décollages et atterrissages par séance. La 21ème ( PA 21) sera la séance qui doit s’achever par le « lâcher », le premier vol en solo. C’est je pense le plus fabuleux instant dans la carrière d’un pilote.                                                                                                                                                                   

                                                             Le premier atterrissage en solo .
                             

                              Il y a déjà le décollage à assurer. Le moteur de 600 Cv et l’hélice fournissent un bon couple gyroscopique, il faut bien tenir l’avion aux palonniers pendant la course de décollage car si on se laisse faire il a vite fait de partir en cheval de bois. Le tour de piste à 1000 pieds ne pose pas de problème, et comme tout le monde à ce moment précis, je regarderai la place arrière pour vérifier que le moniteur n'est plus là, puis j’arrive au dernier virage avant la finale et l’atterrissage. Là, les battements du cœur s’accélèrent, je commence par bien serrer les harnais et les bloquer, je me cale bien dans le baquet. A la radio J’annonce ma position en dernier virage et le starter me donne le feu vert pour l’atterrissage. Je pose le T6, en un impeccable « trois points », et en dégageant la piste pour rouler vers le parking, un immense sourire orne mon visage. Tout en essayant d’être décontracté, j’ai les jambes flageolantes en descendant de l’avion, mais je suis fier, car enfin je suis lâché !!!
                      Toutefois rien n'est totalement gagné, il faut rester sur le rail jusqu'au bout. Surtout pas de vagues inutiles. Eviter les c... bêtises, comme celles de deux élèves de la 58F, qui à l'occasion d'un vol en solo s'étaient donnés rendez-vous dans un coin de ciel pour se faire un combat tournoyant. Mais pas de chance pour eux un moniteur qui passait dans le secteur les avait repéré. La sanction disciplinaire est tombée rapidement : 6 mois de mise à pied à s'occuper de la circulation des avions au sol à Sidi Zouine avec des drapeaux rouges et verts. Et ils s'en sont bien tirés, car il furent réintégrés dans la 59B. On se faisait virer pour moins que ça !!!
                          Une semaine plus tard un type sympa qui avait un gros rat blanc apprivoisé qu'il mettait dans son vestiaire pendant qu'il volait, s'était planté au cours d'un jeu de combat aérien. Son compère n'a jamais été identifié. Ce sera le premier enterrement dans ma carrière de pilote. Je n'avais pas encore 20 ans. Et malheureusement ce ne sera pas le dernier, car pendant mon séjour à Marrakech il y en aura d'autres.
                           Mon premier moniteur, M... Gauthier, s'était tué dans les mêmes conditions, et pourtant il venait d'être muté à la Division des Moniteurs de Pilotage, la DMP qui forme les futurs moniteurs. Au cours d'un vol de nuit avec un autre copain ils avaient joué à se faire un combat avec uniquement la lueur du tuyau d'échappement comme éclairage. Ils ont fini par se percuter et se sont écrasé dans le bled.
                            En ce qui concernait notre promo, nous n'étions pas trop mauvais : aucune casse pendant la phase de lâchers. La promo précédente détenait le record du nombre de chevaux de bois à Sidi Zouine. Nous sommes tous lâchés, et nous organiserons le pot traditionnel au mess des élèves.
Ambiance sympathique et beaucoup de bruit car chacun racontait ses exploits avec les moniteurs
                             Le grand cap du lâcher était franchi. Mais il y en avait un autre, assez stressant aussi celui-là, c'était la vrille en solo à la verticale de Sidi Zouine. Il fallait absolument y passer car tout l'escadron et les autres élèves étaient dessous pour regarder le spectacle. Les vrilles avec un moniteur ça allait, mais en solo ce n'est pas évident la première fois.
                           
                                       Cheval de bois soit à l'atterrissage, soit au décollage !!
                                                              La promotion 59 A




                                   Le 3 janvier nous sommes donc 53 à se présenter au rapport. Parmi nous il y a 6 sergents, anciens pilotes d'hélicoptères. Ils partiront dans le transport à la fin du stage. Il y a aussi trois marocains, et une dizaine de sergents mécaniciens issus de l'école de Rochefort qui avaient réussis le concours de recrutement interne. Un peu plus tard deux autres garçons nous rejoindrons au début des cours en vol: deux sergents brevetés pilotes qui n'avaient pas terminé leur formation au Canada. A la fin de notre apprentissage d'élève pilote, nous ne serons plus que 40.
                La première semaine de janvier nous attaquons les premiers cours à la D.I.S. (Division d'instruction au sol), Nous apprendrons la navigation, l'aérodynamique, la radionavigation, le morse,l-anglais aéronautique, les moteurs, la météo, les systèmes hydrauliques, les circuits d'huile etc...Pendant deux mois nous étudierons donc tout ce qui concerne l'aviation, mais n'oublions pas que nous sommes dans l'armée. Il y aura aussi de l'instruction militaire pour passer le peloton 1 et le 2 qui nous permettrons de passer au grade de sous-officier. Les déplacements se font au pas cadencé. Chaque semaine un élève est désigné pour commander la promo. Avant d'aller aux cours il fallait faire sont lit au carré, cirer ses chaussures et nettoyer la chambre. Les fins de semaine nous sortions moins car nous devions réviser nos cours et apprendre la check-list du T6. Il y avait du travail!! Le dimanche nous pouvions assister à une séance de cinéma et quelquefois applaudir un groupe de jazz < les New Orleans Merry Maker> composé d'élèves et de quelques soldats.

                                           La promotion 59 A au complet le 3 janvier 1958


     élève pilote à Marrakech en janvier 1958 

                                   Balades dans le Haut-Atlas.


                           Fiers d'être enfin habillés correctement dans nos belles tenues kaki, avec l'insigne d'élève épinglé sur la poitrine, nous pouvions parader en ville, retrouver les autres au << Café des Négociants >> ou au <<Café de la Renaissance>>  dans le <<Guéliz>>, la quartier européen. Le cinéma et les restaurants étaient à deux pas de notre quartier général. L'autre sortie favorite était le bar de l'aéro-club dans un coin de la base, pas loin du bout de la piste.Nous y dégustions les meilleures brochettes de Marrakech. Avec du pain de maïs et une bouteille de Boulaouane gris, le meilleur rosé du Maroc. on se régalait.
                             Nous approchons la fin septembre et nous continuons à tenir le bar des Moniteurs, en effectuant de temps en temps des navigations avec la <<julie>>. Le Junker-52, je le connaissais de vue quand j'avais 10 ans, il survolait souvent la propriété des parents à Tananarive, et il est certain que mon oncle Pierre Saflix volait sur cette avion. Il fallait un équipage de cinq hommes à cette époque là pour le piloter. En ce qui nous concernait, pour ces vols d'initiation de deux heures environs nous embarquions à une vingtaine d'élèves dans ce mythique tri-moteurs allemand, et nous apprenions la navigation à vue.  Outre les sorties vers nos quartiers généraux en ville, nous ferons aussi des balades dans les magnifiques contreforts du massif du Haut-Atlas. Une des plus agréables était la virée au << Sanglier qui fume >>, au village d'Asni, à une cinquantaine de km de Marrakech. L'auberge tenue par des français nous proposait évidement les meilleures brochettes de la région !! La route passait devant le barrage de Cavaignac, nous en profitions donc pour aller nous baigner dans cette belle eau fraîche avant d'aller déjeuner.
                               Décembre arrive et les sommets de l'Atlas sont coiffés de neige. La station de ski  de l'Oukaïm-den, au pied du mont Toubkal (4165 m) est ouverte. Il n'y a qu'une seule auberge, il faut réserver assez tôt pour avoir des places dans le dortoir. Pour arriver là-haut il fallait grimper une route très dangereuse, étroite, et souvent verglacée. Avec la 4Cv ça allait, mais il fallait rouler doucement. Les camions devaient s'y prendre à deux fois pour passer les épingles à cheveux. Le week-end précédent la 403 d'un moniteur a dérapé et est allé s'écraser 3 à 400 mètres plus bas contre un rocher. Il s'est tué et son ami passager a réussi à remonter jusqu'au bord de la route pour trouver du secours car la voiture était invisible depuis la route !!!
                                  Ce sera le seul seul voyage vers l'Oukaïmeden avec la 4 Cv, car le week-end suivant au retour de Mazagan (El Jadida), à 20 Km de Marrakech, le radiateur nous lâchera. La mise à mort aura lieu une semaine plus tard au cours du remorquage vers la ville. La fusée de la roue droite lâchera aussi. Nous remonterons à l'Oukaï mais avec la voiture des copains.
                               
                                     La station de ski de l'OukaÏmeden avec le mont Toubkal.

 Le mois de janvier approche. Le 2, toute la promo est en place devant un T6 pour la photo traditionnelle. Deux jours plus tard nous serons un de moins: notre <<troisième larron>>, le caporal Rozier va se faire virer à cause d'un "V" avec ses doigts placées derrière mon calot, et le photographe a vu la plaisanterie, pas de chance pour lui. Il fallait savoir qu'à la moindre bêtise on pouvait se faire virer.
                                    Le Junker 52. Le Toucan pour nous. La julie pour les élèves

mardi 20 janvier 2015



                                                 LA BASE ECOLE 707 _  MARRAKECH


                                 Le 2 septembre 1958 j'embarque une nouvelle fois dans le Nord Atlas à destination de Marrakech, avec une escale à Oran. En cours d'approche vers le terrain tant attendu, j'éprouve un grand étonnement en apercevant les fameux "T6" peints en jaune: il y en avait une bonne centaine !!! Je serai vraiment impressionné quand j'en approcherai un de plus près. Un gamin de 18 ans c'est petit devant ce monstre !! 600 CV, 8 mètres de longueur et 7 d'envergure. Nous constaterons que la base est toute neuve, et nous serons conduits sous les combles d'un des quatre bâtiments identiques qui abritent les différentes promotions d'élèves pilotes. Il fallait attendre le départ d'une promotion vers l'école suivante pour nous loger. Après une quinzaine de jours d'attente, le capitaine commandant la "promo" nous annonce enfin que la nôtre est formée, nous serons 54. Nous sommes installés dans des chambres de huit. C'est propre et tout neuf, et nous avons beaucoup moins chaud que sous les tuiles des combles !! Mais nous ne sommes que le 20 septembre, et les cours pour notre "promo" ne commencerons que début janvier. Il va falloir patienter. Par chance j'avais intercepté une rumeur qui disait que les moniteurs se plaignaient que leur bar ne fonctionnait plus par manque de personnel. J''en ai touché deux mots au patron de la "promo" en lui disant que j'étais barman dans le civil ( ce qui était faux, bien sûr ) et la place m'est revenue. Mes deux compères de Tananarive me rejoindront dans l'aventure. Nous relancerons rapidement le bar, C'est dans ce cadre que j'apprendrai à jouer au tarot en regardant les moniteurs << taper le carton>>.
                Les pilotes étaient contents, ils avaient des sandwichs et des boissons diverses, quant à nous trois, nous arrondissions les fins de mois. Les bénéfices nous aideront à financer des tenues en tergal. Ce n'était pas du luxe car les vêtements du paquetage que nous avions touchés à Tananarive n'étaient vraiment pas mettables. Dans un de mes slips on pouvait mette deux catcheurs poids lourds.