mercredi 28 janvier 2015

ESCADRE DE CHASSE DANS L'OTAN

9 ème Escadre de chasse

Base aérienne de Metz.
Escadron 1/9 " Limousin"

                             
                                      


                                 Au début du mois d'avril 64 je laisse derrière moi l'école de chasse et les bons souvenirs. Ma courageuse petite 4 CV ne me lâchera pas sur cette longue route entre Tours et Metz.
                Le Commandant de l'escadre m'accueille bien normalement ou militairement si on veut. Il m'annonce que je suis affecté à l'escadron 1/9 Limousin. Les bâtiments administratifs de la base sont en construction traditionnelle. L'escadron de chasse se présente comme une sorte de préfabriqué type américain, peint en vert militaire. Les personnes qui ont séjourné dans l'est de la France à cette époque où il y avait plusieurs bases canadiennes et américaines sur notre territoire connaissent bien ce genre de baraquement. Le 2/9 est installé de l'autre côté de la piste. C'est tout juste si on le voit de chez nous!
               Je serai très bien reçu dans cet escadron, ça sent le "chasseur" la-dedans, rien à voir avec l'accueil dans les écoles de pilotage, et je passerai de forts bons moments dans cet escadron. Je ferai d'abord deux vols sur le T33 avec le Cdt d'escadrille, qui me montrera un peu la région. Il faut savoir que dans chaque escadre de chasse il y a toujours un T-Bird qui traîne pour effectuer des liaisons et pour entraîner les pilotes, mais aussi pour aller chercher du whisky là où il est moins cher!! Puis on me laissera tranquille pendant une dizaine de jours pour que je puisse étudier le manuel de vol du F84-F. Je dois passer un test écrit sans aucune faute, sinon je repasserai l'examen.
                Je ferai mon premier vol sur cet énorme chasseur bombardier américain le 30 avril (jour de la St-Robert), chouette cadeau de fête. Comme pour le Mystère IV, il n'y avait pas de version biplace,il fallait y aller tout seul, après un bon briefing du Chef Pilote. Quand je parle d'un énorme avion américain, il faut imaginer une cabine de voiture américaine à deux places, quand on étend les bras on ne touche pas le bord de la cabine tellement c'est large. Dans les avions français si on écartait un peu les coudes on se cognait !! Et si on parle de confort c'est encore une autre chose. Si on poussait un peu trop la "clim" on avait de la neige dans le cockpit !!



                                                 Le Republic F-84F "Thunderstreak"


                                          Peu après ce vol le "patron" m'avait demandé si j'étais sportif et si je pouvais m'intégrer dans l'équipe de pentathlon de la 9éme escadre pour la prochaine compétition du PAM ( pentathlon aéronautique militaire), qui aura sur la base de Lhaar en Allemagne. C'était à croire que les pilotes de cette escadre n'étaient pas très sportifs pour que la hiérarchie décide d'embaucher les deux petits nouveaux. Quant à moi j'ai accepté d'emblée, car un sportif est toujours bien vu dans une escadre de chasse, et en général le sport ouvre pas mal de portes. Cela se concrétisera plus tard !  Le pentathlon de Laahr n'avait pas été si mauvais que ça pour nous, car sans entraînement nous avions terminé 3eme dans le classement par équipe.
                  La cadence de vol était plus calme que celle que j'avais connue à Cognac. A peu près trois vols par semaine, soit une vingtaine d'heures par mois. Le rythme sera un peu plus soutenu quand je commencerai l'entraînement pour devenir pilote opérationnel. J'aurai mes premières sueurs froides un jour de la fin du mois de mai. J'étais le dernier d'une patrouille de six F84-F, et notre objectif était un tunnel ferroviaire dans la région de Nantua, dans le Jura. Nous devions faire une attaque en bombardement semi-piqué, et comme nous étions encore bien chargé en carburant, les avions étaient lourds. Je pense que je m'étais un peu trop attardé à descendre dans la vallée pour faire un bon film avec la ciné-mitrailleuse, et j'étais descendu assez bas. Mais ensuite il fallait remonter tout le flanc de la montagne pour passer de l'autre côté, j'étais plein gaz et le manche en arrière, mais l'avion était vraiment lourd, j'étais proche du décrochage et j'ai frôlé les sapins.
Première leçon : attention aux attaques en montagne !!!!
                 9 juin 64, première mission de tir AIR/SOL sur le champ de tir d'Epagny, à côté de Dijon. Je devais tirer des roquettes de 68mm et des bombes d'exercices, avant de faire plusieurs passes aux mitrailleuses de 12/7. Le F84-F est un chasseur-bombardier, si bien que la majorité des missions consiste à faire des attaques air/sol. Nous ne ferons que très peu d'interceptions : missions réservées aux chasseurs tous temps.
                 Comme la 9éme escadre faisait partie des forces de l'OTAN, nous étions aux ordres des américains et nous avions beaucoup de missions à exécuter à proximité du "rideau de fer", à quelques kilomètres de la frontière. Il s'agissait d'observer le temps de réaction des différentes forces Russes . C'était le travail de nos stations radars. Mais il ne fallait pas se faire des illusions, dès que nous approchions de quelques mètres la frontière de l'Allemagne Fédérale, nous étions déjà repéré par les radars Russes.
                 Il y avait aussi d'autres missions que nous aimions bien. D'abord celle qui consistait à aller tirer des roquettes réelles au champ de tir de" Vliehors," où les cibles se trouvaient sur des îles de sable dans l'archipel des" Iles de la Frise" en Hollande. C'était à 500Km au nord de Metz. Il fallait donc beaucoup de kérosène pour accomplir ce vol. Même chose pour aller tirer nos roquettes aux Iles du Levant, en face du Lavandou : 1000Km aller-retour. Avec l'armement et les réservoirs supplémentaires les fusées JATO étaient nécessaires pour décoller.( Jet Assistance Take Off) .
                   Ces fusées fonctionnaient à la poudre noire si bien qu'après le décollage de six avions je vous laisse imaginer l'immense nuage noir qui enveloppait la base. C'était très spectaculaire !!

                                                     
                                           Un F84-F de mon escadrille, sur lequel j'ai volé !!


                Après le décollage il était obligatoire de faire un tour de piste pour larguer les fusées JATO qui devenaient inutiles. Il fallait les larguer sur la bande gazonnée entre la piste et le taxiway. Ensuite nous nous mettions en formation large pour rejoindre le champ de tir. Une mission de tir vers les Iles de la frise durait 2h10. Il me semble que nous n'avions pas trop envie de sortir le soir après une mission de genre.
                 Une anecdote. Un après-midi; un pilote du 2/9 que nous connaissions sous le surnom du "Poète" était assis à-côté de moi sur un banc, devant les avions en préparation, et m'avait fait part d'un coup qu'il avait l'intention de faire, il m'avait simplement dit _ Tu vas voir,on va entendre parler de moi ce soir_ J'ai su plus tard qu'il avait des problèmes avec ses chefs. Et voila ce qui s'est passé .
                  Après le décollage il fallait larguer donc les fusées, et pour ce faire il y a un gros bouton jaune sur lequel il faut appuyer au bon moment. A l'instant du largage le poète avait appuyé sur le "Panic buton"  qui est situé juste à-côté de l'autre. Le résultat a été très spectaculaire : jamais vu sur une base de chasseurs. Toutes les charges fixées sous les deux ailes, bidons roquettes, ont été larguées, sauf, comble d'ironie, les fusées JATO. Les roquettes sont tombées inertes dans une cour d'école, heureusement ce jour là il y avait congé. Peu de temps après cet exploit on a jamais revu le poète, il avait été muté comme comme moniteur sur Fouga à Salon-de-Provence.
                J'avais quitté Tours en avril 64, mais l'année scolaire n'était pas terminée, ce qui fait que mon épouse ne me rejoindra qu'au mois de juillet. En attendant j'utiliserai les moyens de la SNCF pour aller passer les week-ends à tours. Un de ses voyages fut assez drôle, car je m'étais bien endormi et réveillé à Chatelerault, bien après la gare de tours. Je suis donc sorti de la gare en faisant le mur, il faut dire qu'en ces temps là il fallait aussi montrer son ticket pour sortir. Je suis donc rentré à Tours en stop !!
               L'ambiance à l'escadron état sensationnelle, et les soirées pour fêter un événement s'achevaient très tard, ou plutôt au petit matin. le retour à la maison était difficile en hiver, le verglas étant très fréquent dans cette région. Nous habitions un F3 dans la banlieue ouest, un logement agréable car nous n'étions pas dans une de ses affreuses tours de 20 étages où tous les militaires étaient obligatoirement cantonnés. Il était au premier étage, juste au-dessus de l'entrée d'une petite caserne. Il n'y avaient que deux locataires dans cette annexe . Il y avait un escalier en bois pour y accéder. Les ascensions après certaines soirées se révélaient assez délicates.
              Les "Anciens" avaient décidé de refaire la décoration du bar de l'escadron, ce qui fut fait en une semaine. Pour l'éclairage nous avions trouvé des lampes à bougies dans un vieux fort allemand de la grande guerre. Et pour le sport nous avions sortis des décombres, non sans difficultés, un canon Krupp de 58mm, que les armuriers avaient en service. A l'occasion de certaines cérémonies nous tirions des salves d'honneur !!!
               Après quelques semaines d'entraînement, je passe mon examen de pilote opérationnel, et je deviens un équipier disponible pour aider un chef de patrouille. Je n'avais pas vu passer le temps et le 11 mars 1965 notre fille Nathalie voit le jour en Lorraine.
               Vers la fin du mois de mars 64, une rumeur se mit à circuler dans toutes les escadres de France. Le Général de Gaule, ne veut plus que nous fassions partie de l'OTAN. Les forces aériennes canadiennes et américaines vont donc quitter la France. Les deux escadres basées en Allemagne devront rentrer en France et la 9 basée à Metz doit rendre ses F84 aux américains car ils n'étaient que prêtés. La 9ème escadre va donc être dissoute, et les avions seront détruits à la dynamite !!!
               J'étais bien là, et comme tous les autres il fallait choisir l'endroit ou nous voulions poser nos valises! J'avais posé une question au "patron": si je demande à partir à Dijon sur Mirage III, vous croyez que cela marchera?? Il m'avait répondu que cela était possible du fait qu'on était en train de créer un troisième escadron à la 2ème Escadre. Nous seront plusieurs officiers et sous-officiers à être mutés à Dijon.
              21 avril, dernier vol sur le F84-F N°58. Mais avant que tout le monde soit éparpillé vers les autres bases, il y aura une soirée mémorable au " 1/9 Limousin". Ordre du chef pilote: il faut vider la cave avant de fermer l'escadron. Le retour à la maison aux premiers scintillements de l'aube sera très difficile. Puis départ en permission avant de rejoindre la 2ème escadre. ma première prestation dans l'aviation de chasse s'achevait.  




                            Le" charognard noir" s'est envolé et le "fennec" est rentré dans son trou !!
     



   

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