mercredi 21 janvier 2015

                                                            Division d’instruction en vol.

                                                                                                                                                                   
                       Le 29 janvier 59 nous débutons le stage de vol. Cela faisait longtemps que j’attendais ce moment. Le commandant de la D.I.V nous avait tous rassemblé dans la salle de cinéma pour nous passer une engueulade carabinée parce que les élèves de la promotion précédente ( la 58F ) avaient cassé trop d’avions pendant la phase de lâcher. Je garderai toujours en mémoire ce qu’il avait dit en conclusion « il faut que vous compreniez enfin, que ce n’est pas le moteur qui vole, mais c’est l’aile »
Nous achevons les deux mois de cours au sol, et je passe bien le cap de l’examen final. Ce n’est pas le cas pour quelques uns d’entre nous qui rentreront chez eux.

                                                               Sur la piste de Sidi Zouine                                                                                  
       23 février 1959 : une grande date dans ma vie ! C’est le jour de mon premier vol sur le « North American Texan 6 ». Cela ne fait pas très longtemps que ces T6 sont à Marrakech, en provenance des écoles de pilotage des Etats-Unis et du Canada.
                Le terrain de nos premiers pas, ou plutôt, de nos premiers battements d’ailes, se situait à proximité du village de Sidi Zouine, un endroit désertique à une vingtaine de Km de Marrakech. Deux pistes parallèles en terre ocre, presque rouge, séparées par un bande goudronnée pour les décollages. Aucune construction en dur, une tente pour le repos, une tente pour les repas, et la baraque du starter: un cube rouge et blanc dans lequel le Cdt d’Escadrille ou le chef pilote dirige par radio les décollages et les atterrissages. Une vingtaine de T6 évoluent dans un secteur réservé et en tours de pistes de 9h du matin jusqu’à 16h.
                  Une partie des élèves pilotes arrivait en car le matin, les autres chanceux partaient de Marrakech en T6 avec un moniteur, effectuaient une leçon et se posaient à Sidi Zouine.
                 De la première heure de vol jusqu'à la quinzième nous apprendrons les bases du pilotage: les différentes phases de vol, mai aussi les décrochages et les vrilles. A partir de la 16ème heure jusqu’à la 21ème ce sera des tours de pistes, soit 6 à 7 décollages et atterrissages par séance. La 21ème ( PA 21) sera la séance qui doit s’achever par le « lâcher », le premier vol en solo. C’est je pense le plus fabuleux instant dans la carrière d’un pilote.                                                                                                                                                                   

                                                             Le premier atterrissage en solo .
                             

                              Il y a déjà le décollage à assurer. Le moteur de 600 Cv et l’hélice fournissent un bon couple gyroscopique, il faut bien tenir l’avion aux palonniers pendant la course de décollage car si on se laisse faire il a vite fait de partir en cheval de bois. Le tour de piste à 1000 pieds ne pose pas de problème, et comme tout le monde à ce moment précis, je regarderai la place arrière pour vérifier que le moniteur n'est plus là, puis j’arrive au dernier virage avant la finale et l’atterrissage. Là, les battements du cœur s’accélèrent, je commence par bien serrer les harnais et les bloquer, je me cale bien dans le baquet. A la radio J’annonce ma position en dernier virage et le starter me donne le feu vert pour l’atterrissage. Je pose le T6, en un impeccable « trois points », et en dégageant la piste pour rouler vers le parking, un immense sourire orne mon visage. Tout en essayant d’être décontracté, j’ai les jambes flageolantes en descendant de l’avion, mais je suis fier, car enfin je suis lâché !!!
                      Toutefois rien n'est totalement gagné, il faut rester sur le rail jusqu'au bout. Surtout pas de vagues inutiles. Eviter les c... bêtises, comme celles de deux élèves de la 58F, qui à l'occasion d'un vol en solo s'étaient donnés rendez-vous dans un coin de ciel pour se faire un combat tournoyant. Mais pas de chance pour eux un moniteur qui passait dans le secteur les avait repéré. La sanction disciplinaire est tombée rapidement : 6 mois de mise à pied à s'occuper de la circulation des avions au sol à Sidi Zouine avec des drapeaux rouges et verts. Et ils s'en sont bien tirés, car il furent réintégrés dans la 59B. On se faisait virer pour moins que ça !!!
                          Une semaine plus tard un type sympa qui avait un gros rat blanc apprivoisé qu'il mettait dans son vestiaire pendant qu'il volait, s'était planté au cours d'un jeu de combat aérien. Son compère n'a jamais été identifié. Ce sera le premier enterrement dans ma carrière de pilote. Je n'avais pas encore 20 ans. Et malheureusement ce ne sera pas le dernier, car pendant mon séjour à Marrakech il y en aura d'autres.
                           Mon premier moniteur, M... Gauthier, s'était tué dans les mêmes conditions, et pourtant il venait d'être muté à la Division des Moniteurs de Pilotage, la DMP qui forme les futurs moniteurs. Au cours d'un vol de nuit avec un autre copain ils avaient joué à se faire un combat avec uniquement la lueur du tuyau d'échappement comme éclairage. Ils ont fini par se percuter et se sont écrasé dans le bled.
                            En ce qui concernait notre promo, nous n'étions pas trop mauvais : aucune casse pendant la phase de lâchers. La promo précédente détenait le record du nombre de chevaux de bois à Sidi Zouine. Nous sommes tous lâchés, et nous organiserons le pot traditionnel au mess des élèves.
Ambiance sympathique et beaucoup de bruit car chacun racontait ses exploits avec les moniteurs
                             Le grand cap du lâcher était franchi. Mais il y en avait un autre, assez stressant aussi celui-là, c'était la vrille en solo à la verticale de Sidi Zouine. Il fallait absolument y passer car tout l'escadron et les autres élèves étaient dessous pour regarder le spectacle. Les vrilles avec un moniteur ça allait, mais en solo ce n'est pas évident la première fois.
                           
                                       Cheval de bois soit à l'atterrissage, soit au décollage !!

2 commentaires:

  1. ça va donner envie à certains de faire le même métier.
    ..

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  2. Photos historiques et impressionnantes!! On a tous envie d'en voir plein d'autres...

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